Meet&Build 15 - Construction et intelligence artificielle : enjeux
Le 19 novembre, a eu lieu la 15e édition de Meet&Build, le rendez-vous mensuel des acteurs du monde de la construction, organisé par l’IFSB et Picto Communication Partner. Il a réuni une centaine de personnes autour du thème de l’IA.
Yara Oweiss, architecte-urbaniste et BIM specialist chez atelier b architectes, a ouvert la conférence avec une présentation sur les transformations induites par l’IA sur l’architecture et la construction. « L’IA, c’est comme un assistant super efficace qui travaille 24h/24h, est capable d’analyser des données complexes en quelques secondes et de donner les meilleurs conseils », dit-elle.
L’IA permet en effet d’identifier les risques, proposer des solutions avant qu’ils ne deviennent des obstacles, réduire les coûts et les erreurs, gagner en précision, améliorer la collaboration, limiter les tâches répétitives et augmenter ainsi la créativité en libérant du temps pour se concentrer sur des aspects stratégiques. Elle ouvre également de nouveaux marchés grâce notamment à l’analyse prédictive qui permet d’optimiser les performances des bâtiments avant même leur construction, de mieux comprendre l’impact d’une construction sur son environnement et de rationaliser la gestion énergétique et des matériaux. « L’IA agit comme une équipe supplémentaire, amplifiant les capacités des architectes et permettant d’explorer des idées tout en respectant des contraintes techniques et environnementales », explique-t-elle.
Cependant, comme toute avancée, l’IA soulève des défis au niveaux de la régulation, des droits d’auteur et des responsabilités, ainsi que de la sécurité des données. L’Union européenne a mis en place des cadres pour garantir une utilisation éthique et responsable de l’IA, protéger les utilisateurs et assurer la transparence des décisions prises par ces outils.
« L’IA est là pour multiplier nos capacités, pas pour nous remplacer. Elle agit comme un catalyseur de créativité, permettant de repousser les limites du possible et de trouver un équilibre entre fonctionnalité, esthétique et contraintes. Cette collaboration entre humain et machine nous permettra d’atteindre des sommets inexplorés. De toutes façons, l’innovation ne s’arrêtera pas et ne nous attendra pas », Yara Oweiss.
Après cette introduction contextuelle, François Denis, R&D Program Lead au sein de l’unité Construction Digitale de Buildwise, a abordé les aspects pratiques de l’IA dans une présentation nommée « GPT, dessine-moi une maison ». Parmi les nombreuses applications pertinentes relevées par le speaker, figure l’évaluation et la quantification des matériaux, surfaces et volumes facilitant l’établissement de devis ou offres précis ainsi que la création de bases de données dans le cadre d’approches d’urban mining, mais aussi l’automatisation de tâches comme le traitement de documents, le tagging de fichiers et photos, la rédaction de réponses à des demandes récurrentes ou encore la vérification de la conformité à des bases de données internes. L’IA est aussi utile pour le suivi et la gestion de chantier où elle permet par exemple de contrôler en temps réel le respect des normes de sécurité et l’apparition de risques potentiels, mais aussi d’identifier les étapes et l’avancement d’un projet ou de prendre des mesures en quelques secondes. L’IA est enfin un outil de communication intéressant facilitant entre autres la création de présentations ou de contenus vidéo et écrits multilingues.
François Denis a insisté sur la nécessité d’une adoption responsable de ces outils : « Puisque la majorité de leurs salariés utilisent l’IA – le plus souvent à partir de leur propre compte, les entreprises doivent avoir une réflexion sur le sujet et s’assurer que des règles bonnes pratiques et d’usage soient respectées plutôt que de laisser cette responsabilité à l’employé », indique-t-il. Et d’ajouter : « De nombreuses entreprises développent leur propre chatbot, alimenté avec leurs données, pour être en mesure de donner des réponses connectées au dossier et personnalisées à leurs clients. Car le problème d’un chat GPT, c’est que son job est de vous répondre, pas forcément de bien vous répondre ».
Dr. Grégory Nain, co-founder, head of operations chez DataThings, a ensuite proposé une réponse à la question : « Les bâtiment vont-ils enfin être intelligents grâce à l’IA ? ».
Les bâtiments peuvent aujourd’hui collecter diverses données - température, luminosité, présence, accès, etc. -, puis les utiliser pour contrôler l’éclairage ou le chauffage. Mais ces systèmes ont leurs limites, que l’IA permet de dépasser en analysant massivement les données pour anticiper les besoins des utilisateurs et ajuster automatiquement les conditions de l’environnement. Elle permet, par exemple, de modifier la température d’une pièce en fonction des prévisions météorologiques, de l’occupation ou des préférences spécifiques des utilisateurs. L’IA détecte aussi les anomalies, comme des fuites ou des éclairages inutiles, et améliore l’efficacité énergétique sans compromettre le confort.
Cependant, pour que les bâtiments deviennent réellement intelligents, il faut surmonter des défis comme le coût, la flexibilité des règles et l’intégration de l’IA à l’échelle locale. L’objectif est de créer des bâtiments capables d’optimiser en continu leur performance, en équilibrant confort, économie d’énergie et gestion intelligente.
Pour terminer les présentations, Auban Derreumaux, Managing Partner chez innov’iction, a abordé la question de la compatibilité entre l’IA et les enjeux de durabilité.
Il a rappelé que, même si l’apprentissage automatique et l’analyse de données permettent d’optimiser l’utilisation des ressources naturelles, d’améliorer l’efficacité énergétique et d’anticiper les défis environnementaux, l’IA pose aussi des questions importantes concernant sa propre durabilité. L’extraction des matières premières entrant dans la fabrication des ordinateurs et smartphones ainsi que la consommation d’énergie nécessaire pour entraîner les modèles et faire fonctionner les centres de données ont un fort impact non seulement écologique, mais aussi social, souvent marqué par des pratiques d’exploitation dans les pays du sud. Il a également souligné également l’importance d’une transparence sur l’origine des données utilisées pour entraîner l’IA. Finalement, pour aider à résoudre les problèmes liés à la durabilité, l’IA doit elle-même être rendue plus durable.
La prochaine édition de Meet&Build aura lieu le 17 décembre 2024 à l’IFSB. Pour la 2e année consécutive, venez participer à un speed meeting professionnel dédié au secteur de la construction 👉 Infos et inscriptions.
Mélanie Trélat