Construction - Innovation - Technologie
Accompagner chacun dans cette transition

Accompagner chacun dans cette transition

Interview de Moreno Viola, chargé de direction au CRTI-B GIE.

Si le BIM ne se déploie pas encore à la vitesse espérée au Luxembourg, la nécessité d’opérer cette transition est plus que jamais réelle au vu des défis que les acteurs du secteur doivent relever et de la complexité des projets actuels. Dans cette optique, le CRTI-B poursuit ses efforts pour cibler les freins qui subsistent à son adoption généralisée et y apporter des solutions concrètes.

Qu’est-ce qui a évolué depuis la dernière édition de BIMLUX il y a deux ans ?

BIMLUX vise à inciter les acteurs qui ne se sont pas encore mis au BIM à s’y plonger et, pour ceux qui le pratiquent déjà, à approfondir leurs connaissances, leur permettre de découvrir des retours d’expériences et des nouveautés en la matière au niveau national et international.

Nous avons opté, lors de la dernière édition, pour un rythme bisannuel afin de pouvoir nous focaliser sur des sujets pointus, qui sont abordés dans des workshops : en l’occurrence, un workshop dédié aux maîtres d’ouvrage, un sur le BIM sur chantier et un sur l’outil BIM IDS. Cette année encore, nous présenterons un programme très riche avec de nombreuses solutions techniques qui, nous l’espérons, répondra à la demande de tout le panel d’acteurs au Luxembourg. Cette année, nous avons mis en avant en particulier de nombreux speakers internationaux qui partagent leurs connaissances et expériences.

Depuis la dernière édition, le CRTI-B s’est donné un nouveau mode de fonctionnement en réorganisant ses comités stratégiques, ceci avant tout pour être encore plus proche des acteurs. Le but est d’avoir des porte-paroles des maîtres d’ouvrage, concepteurs et entreprises exécutantes qui nous indiquent clairement où sont leurs freins et leurs barrières. Nous espérons, à travers cette approche, être à l’écoute des besoins du marché luxembourgeois, qui est très spécifique, et accompagner chacun dans cette transition.

Comment jugez-vous l’adoption du BIM au Luxembourg ?

L’adoption du BIM n’est pas aussi rapide que nous le souhaiterions. Le nombre de projets reste assez faible et la demande au niveau des maîtres d’ouvrages n’est pas encore très développée. Il incombe au CRTI-B d’analyser les freins et barrières et aider les acteurs dans leurs démarches et transitions.

Nous constatons d’abord qu’il y a peu de grands maîtres d’ouvrage qui font usage des méthodes BIM. Par conséquent, il y a peu de possibilités pour les acteurs du marché de tester, de réaliser des projets pilotes et de mettre en place leur structure interne autour de ces projets.

Un autre constat est que l’enthousiasme initial de vouloir révolutionner toutes nos façons de faire en même temps s’est confronté aux us et coutumes luxembourgeois, mais aussi à des questions d’ordre réglementaire, contractuel, d’organisation autour de cette approche holistique.

Les investissements en temps, en ressources humaines et d’un point de vue purement financier à faire auprès des acteurs constituent un troisième frein.

Pourtant, au vu de la complexité des ouvrages qui sont construits aux niveaux international et national, l’utilisation de procédures BIM devient incontournable. L’établissement de passeports de matériaux, passeports énergétiques, simulations énergétiques, analyses de cycle de vie, inventaires de matériaux, échanges au niveau cadastral et autres représente une somme de données qui, si elles doivent être extraites de manière manuelle, demandent un travail énorme. C’est là que le BIM prend tout son sens.

Le constat est mitigé : le BIM a du mal à démarrer, mais les besoins sont clairs, donc tout n’est pas perdu. Le niveau de compétences des acteurs continue à augmenter, comme le montre la demande croissante en formation. Les formations que gère le CRTI-B évoluent toujours de manière positive.

Nous essayons d’utiliser les ressources du CRTI-B au mieux pour aider les acteurs luxembourgeois. La Chambre des Métiers est devenue un partenaire supplémentaire, qui dispense notre cycle de formations en parallèle avec la House of Training. Par ailleurs, nous avons quelques pionniers au Luxembourg – maîtres d’œuvre, maîtres d’ouvrage, entreprises - qui s’y sont mis de manière très pointue et qui ne regrettent rien, ce qui démontre que le BIM a une réelle plus-value.

Nous allons poursuivre la mise en place d’un écosystème autour du BIM. Il s’avère que toute une série d’éléments, qui vont de pair avec la conception d’un projet de construction - passeport énergétique, cadastre vertical, autorisation de bâtir et autres autorisations nécessaires -, se font encore et toujours en format papier. Donc le gain réel en efficacité pour un acteur qui passe en BIM est amoindri s’il doit quand même produire des documents et réaliser certaines tâches de manière analogique. Cela constitue un des freins au déploiement du BIM.

Nous continuons, à travers notre comité stratégique, à être le plus proche et le plus à l’écoute des acteurs, en gardant le lien avec ce qui se passe au niveau international.

Vous avez beaucoup travaillé au cours des deux dernières années sur des collaborations au niveau international. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Nous aimerions avoir plus de retours sur des projets réels. Nous sous sommes donc orientés vers l’étranger et avons mis en place des collaborations très fructueuses et des échanges très riches avec les pays voisins.

Cette collaboration a, par exemple, abouti à la publication des IDS (Information Delivery Specification), un outil développé en partenariat avec Buildwise (Belgique) qui permet de consulter nos fiches GID sur une plateforme en ligne et de définir les niveaux de détail et les besoins en information des objets spécifiques d’une maquette numérique. Des fichiers de configuration pour l’implémentation directe dans les logiciels des modeleurs sont également mis à disposition sans que chacun doive réaliser une paramétrisation pour son projet ou son bureau individuellement. En même temps, cela augmente la qualité de la modélisation parce que des contrôles automatiques permettent de vérifier avant soumission de la maquette que toutes les informations qui y sont reliées soient réellement fournies.

Nous avons aussi mis en place le chapter Benelux de buildingSMART. buildingSMART est une institution mondiale qui s’occupe entre autres de l’implémentation des standards d’interopérabilité ouverts. Au sein de ce chapter, nous profitons de synergies avec nos collègues belges et néerlandais pour développer des initiatives avantageuses pour tous.

Par ailleurs, nous suivons de très près la BIM EU Task Group, un consortium de décideurs politiques de différents pays avec lesquels nous échangeons régulièrement pour voir comment les différents pays européens s’y prennent pour définir et implémenter le BIM dans leurs réglementations et procédures de travaux publics.

Mélanie Trélat
Extrait du NEOMAG#58
Plus d’informations sur neobuild.lu
© NEOMAG - Toute reproduction interdite sans autorisation préalable de l’éditeur

Article
Article
Publié le lundi 12 février 2024
Partager sur