Intégrer la technique à l’architecture
La réconciliation de deux partenaires que sont l’architecte et le bureau de techniques spéciales : ce sujet témoigne du quotidien des concepteurs alors que la meilleure approche reste l’orientation et la résolution, chacun à son échelle, des problématiques du bâtiment en tenant compte de contraintes artistiques, spatiales et fonctionnelles.
Chaque projet nécessite l’implémentation d’éléments techniques/technologiques pour la production d’énergie, l’éclairage, la surveillance, le conditionnement, etc. L’ingénieur doit composer avec la structuration des espaces qui va définir, dans la durée, la réelle plus-value d’un projet ainsi que la qualité d’exploitation d’un ouvrage. Il devient nécessaire de rationaliser les besoins sans omettre que nos bâtiments sont de plus en plus complexes. Dans cette logique, pourquoi un équipement ne pourrait-il pas être multiservices ? Une multitude de solutions basées sur des technologies existantes, directement adaptables pour la conception et l’exécution de projets sont listées ci-dessous.
Le solaire photovoltaïque intégré
La possibilité de transformer un élément fonctionnel de base tel qu’une couverture de toiture ou une façade en « producteur d’énergie » est aujourd’hui monnaie courante. Qu’il s’agisse d’une avancée ou d’une couverture de toiture, d’une véranda photovoltaïque, d’un carport, d’une façade bien exposée, les modules de production classiques ou les modules semi-transparents - de dimensions standards ou adaptées (sur mesure) - remplacent avantageusement couvertures et parements et ne nécessitent pas une mise en œuvre complexe. De nouvelles technologies émergent et il est déjà possible de transformer n’importe quelle architecture en système producteur d’énergie sans nuire à l’esthétique du projet.
Le solaire hybride
Deux technologies « courantes » permettent de combiner production de chaleur et d’électricité. D’une part, le mariage entre le solaire photovoltaïque et le solaire thermique. Aujourd’hui, cette approche technique évolue avec l’intégration de la technologie TOPCon (Tunnel Oxide Passivated Contact) qui utilise des plaquettes de silicium dopées au phosphore. Ce process permet un gain estimé entre 1,5 % et 5 % par rapport à un module PERC pour un coût supérieur de +/- 5 à 10 %. D’autre part, une technologie moins répandue mais qui peut trouver un intérêt dans le cadre d’un système de préchauffage ou de chauffage « tout air » : l’aérovoltaïque. Le principe est relativement simple, basé sur un panneau capable de produire simultanément de l’électricité et de l’air chaud pouvant être véhiculé par un réseau aéraulique (conduits classiques calorifugés).
La rétention d’eau en toiture
Les nouvelles directives de l’Administration de la gestion de l’eau induisent des systèmes de rétention d’eau pluviale. Lorsque la topographie du site ne permet pas la mise en place d’une fosse de rétention enterrée ou que cette dernière engendrerait la création d’un espace tampon trop coûteux au sein de l’ouvrage, des systèmes de rétention aménagés en toiture peuvent être considérés : ils se composent principalement d’une plaque (ou nappe) de drainage qui se place sur la membrane d’étanchéité à l’eau (et l’éventuel géotextile de protection). Au-dessus de cette nappe se placent un second géotextile puis le complexe végétalisé. Le déversement de l’excédent d’eau vers le réseau d’évacuation est équipé d’un limiteur de débit (vanne pilotée) qui permet de réguler le volume de façon dynamique. Il est donc possible de profiter au mieux du potentiel de rétention, d’alimenter en eau la couche végétalisée (alimentation par évaporation) ou encore de maîtriser le débit d’eau vers les canalisations. Le système peut être rendu prédictif en fonction de la météorologie. Si une forte pluie est annoncée, l’écoulement peut être piloté électroniquement afin qu’une partie de l’eau puisse être évacuée au préalable. Il est ainsi créé un volume de rétention en fonction des précipitations attendues.
Sonde d’arrosage automatique
Il arrive que les architectes paysagistes prévoient des plantations spécifiques pour lesquelles des quantités d’eau bien précises doivent être garanties, certaines variétés de plantes n’ayant pas les mêmes besoins que d’autres. Selon le lieu et la saison, la fréquence d’arrosage peut également varier et pour garantir l’humidité adéquate et réguler l’arrosage, des techniques existent... Pour ce faire, le système se compose d’une sonde d’humidité à placer dans la zone racinaire : lorsque la sonde détermine que l’humidité a atteint le niveau souhaité, le module interrompt l’arrosage.
Système de stockage d’énergie
Il existe, pour éviter le recours à des technologies de stockage complexes et/ou volumineuses (le système classique recourant à l’eau chaude), l’usage d’une unité de stockage thermique par MCP (matériau à changement de phase). Ce produit révolutionne la technique existante car il restitue la chaleur emmagasinée (en cas de demande) via deux technologies innovantes : une mousse alvéolaire métallique innovante et un MCP biosourcé dont la densité de stockage est cinq fois supérieure à celle du stockage via l’eau.
Plateforme de chauffage, de ventilation et de climatisation à semi-conducteurs
Une première application mondiale de cette technologie récente vient d’être exécutée à Paris via un terminal de traitement d’air à effet Peltier (TTAP). Ce terminal permet d’assurer la fourniture de chaud ou de froid tout en veillant à la qualité d’air intérieure des bâtiments, sans usage d’un réseau hydraulique. C’est une unité thermoélectrique à semi-conducteurs qui constitue l’élément central du système : lorsque la puce thermoélectrique (état solide) est alimentée par un courant électrique, la chaleur circule d’un côté de la puce à un autre, créant instantanément une différence de température qui peut être utilisée pour refroidir ou chauffer ; celle-ci fonctionne comme une pompe à chaleur, permettant un chauffage ou un refroidissement à la demande, tout en éliminant le recours aux compresseurs et aux fluides réfrigérants La technologie pour l’apport d’air neuf TTAP associe des puces semi-conductrices à des modules thermiques, des échangeurs de chaleur et des composants électroniques qui ajustent la puissance. Ce système peut être une bonne alternative en cas de rénovation ou lorsque la mise en place d’une centrale de production est jugée trop complexe.
Capteurs IOT
Le smart building et en particulier le pilotage des bâtiments par les smartphones devient une démarche de plus en plus demandée et appréciée par les maîtres d’ouvrages. Elle requiert la mise en place d’une architecture technique complexe avec des capteurs « intelligents ». Un même capteur peut d’ores et déjà renseigner sur les niveaux d’éclairement, piloter l’éclairage en fonction de la luminosité extérieure, effectuer des mesures de consommations électriques, le relevé de la température, renseigner sur l’occupation d’espace et la détection des flux de personnes. Un matériel unique peut remplacer une multitude d’éléments sous réserve que l’architecture, le câblage et le réseau soient planifiés en conséquence. Des gammes de capteurs LoRaWAN multimarques ou en liaison radio IEEE 802.15.4, 2,4GHz existent. Une combinaison de capteurs reliés (par exemple) à une Gateway et avec un système de gestion complémentaire peuvent permettre de nombreuses possibilités. Entre autres, nous pouvons mentionner comme exemples la gestion des espaces, le guidage indoor, l’utilisation et la mutualisation des espaces intérieurs, la gestion du trafic de personnes (aussi en fonction des capacités motrices de l’utilisateur pour, par exemple, tenir compte des personnes à mobilité réduite), la gestion des visiteurs, des points d’intérêts, la réservation de services, etc. Bien d’autres champs complémentaires sont possibles et ces nouvelles technologies ouvrent un nouvel horizon et une collaboration fonctionnelle entre le technicien et l’architecte. Sur le même registre, des systèmes complémentaires simples d’utilisation existent, qui s’appuient sur des algorithmes d’analyse embarqués dans le capteur pour comprendre et monitorer bon nombre d’équipements afin de mettre en place une solution appliquée à la maintenance prédictive.
Éclairage HCL
La technologie d’éclairage Human Centric Lighting (HCL) est basée sur les occupants, l’objectif principal étant d’utiliser à bon escient la lumière pour améliorer la sensation de bien-être au sein du bâtiment grâce au transfert de l’interaction naturelle de la lumière du jour, du crépuscule et de la nuit (usage de l’effet biologique des différentes ambiances lumineuses). Les effets positifs consistent en une amélioration notable du bien-être (les occupants d’une maison de repos peuvent par exemple mieux se situer dans le temps) et cette technologie peut indirectement accroître nos performances (espaces de travail plus durables). Le principe tient compte de tous ces effets et équilibre les besoins visuels, émotionnels et biologiques. Les luminaires utilisent une technique d’éclairage LED moderne et une commande d’éclairage performante afin d’adapter automatiquement la qualité de la lumière. Les niveaux d’éclairement sont très peu impactés mais il faut cependant prendre en considération les changements de couleurs appliqués au niveau des LED (en général entre 2 700 K et 6 500 K).
L’implantation évolutive des BRV
La mobilité électrique est dans l’ère du temps mais il faut avouer que la stratégie de mise en place est souvent dépendante de la politique générale des différents clients. Le dimensionnement de l’infrastructure est soumis à de nombreuses hypothèses (situation logique des bornes pour l’accès aisé par le CGDIS, mise à disposition de moyens de protection incendie complémentaire, etc.). Les impositions réglementaires pour la mise en place sont liées aux différentes impositions ITM (en particulier le 1 506,3) et il faut se rapprocher du règlement grand-ducal du 7 mars 2019 (concernant la performance énergétique des bâtiments) pour le pré-équipement minimal. Ces différentes tendances liées au nombre d’éléments à prévoir peuvent également être cadrées en fonction des crédits alloués par la certification BREEAM ou en fonction du régime d’aides étatiques (cf. le règlement grand-ducal du 19 août 2020). L’infrastructure électrique doit également être réfléchie afin d’augmenter de manière flexible les dispositions liées à la puissance (évolution du/des transformateurs de l’immeuble), à la stratégie de distribution, à l’asservissement incendie et à la libération des bornes par l’utilisateur. Un système de bornes intelligentes (permettant de réguler la puissance libérée sur les bornes en fonction de la charge sur l’installation), la flexibilité de la distribution reste un point qu’il ne faut pas négliger. Certains fabricants ont réfléchi à cette solution et le principe évolutif repose sur un système de canalisations préfabriquées ; la borne de recharge et sa connectique sont enfichables et un conducteur commun est utilisé à la place des câbles parallèles. Cette solution modulaire se distingue notamment par une charge calorifique inférieure (ce qui permet de réduire les pertes en ligne par rapport aux installations de câbles classiques). L’installation permet également un encombrement plus faible (pas de rayons de courbure) ; il est ainsi possible d’avoir recours à de très faibles travaux pour finaliser ultérieurement et/ou étendre un système sans pour autant affecter les fermetures coupe-feu et engendrer de lourds travaux de câblage.
La gestion des débits d’air appliqués aux cuisines
La conception globale d’une cuisine de production est en enjeu crucial car elle requiert une surface importante liée à de nombreux et importants gainages de distribution. Les concepteurs doivent se concentrer sur une optimisation logique des débits d’air et ce en fonction des différents usages. Le tout devant bien évidemment respecter les différents critères de pression afin de ne pas « polluer » l’ambiance des espaces adjacents. Pour optimiser cette gestion, il existe des systèmes de type DCV, soit une ventilation à la demande pour la gestion des hottes. Outre le fait de réduire le traitement de l’air et donc réaliser des économies d’énergie, ce système permet une gestion intelligente qui permet d’optimiser les débits d’air pulsés par rapport au mode de fonctionnement propre de la cuisine. Le fonctionnement est garanti par la mise en place de capteurs (à radiation et de température) dont la capacité est d’identifier l’état réel des équipements de cuisson (arrêt, mise en chauffe et cuisson en cours). En fonction de ces états, des registres motorisés (intégrés aux hottes) adaptent de manière automatique les débits.
La ventilation naturelle
Certaines zones d’un bâtiment ne doivent pas faire l’objet d’un traitement spécifique de l’air. Des principes simples, liés à l’action naturelle du vent, peuvent être définis entre les différents concepteurs. Nous pouvons évoquer les effets de tirage par différence de densité, la mise en place d’ouvrants ou d’extracteurs orientés en fonction du sens du vent ou encore le principe de fonctionnement des cheminées solaires. Ces dispositifs ancestraux, utilisés pendant des siècles, ont déjà fait leurs preuves. En les combinant avec les outils de CFD (Computational Fluid Dynamics - simulation numérique de la dynamique des fluides) actuels, il est aujourd’hui possible de conforter ces principes et réaliser un dimensionnement plus précis. En combinant une station météo (avec capteur de pluie), des sondes de températures, des anémomètres (à ultrasons pour maîtriser d’éventuels courants d’air non désirés), le tout reposant sur une gestion automatisée, ces systèmes peuvent très simplement et de manière peu coûteuse améliorer grandement le confort intérieur.
Luc Meyer, directeur de Neobuild GIE
Retrouvez cet article avec l’intégralité des illustrations ici : https://www.neomag.lu/neomag-61.html#book/15