Le point sur les techniques et technologies émergentes
Nos experts explorent les défis et les opportunités liés à l’évolution des technologies, de l’intelligence artificielle aux énergies renouvelables, et offrent un aperçu éclairant des innovations qui façonneront l’avenir des bâtiments et des villes.
Mike Dusseldorf,
Ingénieur-Conseil chez Goblet & Lavandier, membre du conseil de l’OAI
« L’avenir réside dans le bâtiment électrique, indépendant des sources combustibles fossiles. Cela implique l’utilisation de pompes à chaleur associées à des installations photovoltaïques, éventuellement soutenues par des batteries pour le stockage de l’énergie. À ceci s’ajoutent des concepts de récupération et de revalorisation de la chaleur fatale, par exemple de nos industries et datacenters qui présentent un potentiel non négligeable.
Cette transition soulève des challenges : les énergies renouvelables sont volatiles et il est nécessaire d’assurer la stabilité des réseaux électriques, notamment en prévision du déploiement de l’électromobilité, ainsi que l’intégration du photovoltaïque dans ces réseaux.
Pour relever le défi que représente la marche vers les smart buildings et les smart grids, il est essentiel de penser les concepts énergétiques à l’échelle du quartier plutôt qu’à celle du bâtiment, afin de pouvoir coordonner la production et la demande d’énergie de manière optimale.
Une collaboration étroite entre les gestionnaires de réseaux et les producteurs d’énergie est indispensable et, bien entendu, de nouvelles réglementations doivent également être associées à ces évolutions. »
Lionel Toumpsin,
Architecte, fondateur de Triangulum
« La conception dans la construction pourrait être résumée par ceci : l’étude d’un projet destiné à être construit, répondant à un programme défini sur un site défini en ayant pris en compte toutes les contraintes liées à ce site, les matériaux mis en œuvre, les équipements techniques et toutes les normes et réglementations en vigueur. Donc, bien que la conception fasse appel à la création, elle reste malgré tout soumise à énormément de contraintes.
L’intelligence artificielle a cette capacité d’apprendre, d’analyser et d’envisager plusieurs hypothèses… à une vitesse qu’aucun homme ne pourra jamais égaler ! À l’image de ce que l’on constate déjà dans beaucoup de domaines, l’arrivée de l’IA dans la conception pour la construction représente une évolution majeure de nos métiers. Ceux-ci vont en effet évoluer progressivement plutôt vers de la supervision de travail de l’intelligence artificielle et le choix parmi les propositions faites par celle-ci en fonction des contraintes préalablement définies… car il y a toujours plusieurs réponses possibles face à un problème ou un défi.
L’arrivée dans nos métiers de l’IA, forcément centrée sur les maquettes numériques, annonce un gain en productivité sans précédent ! Le BIM tel qu’on le connaît à l’heure actuelle du point de vue de la production des maquettes numériques va donc considérablement évoluer car c’est désormais l’IA qui s’en chargera, rapidement et sans erreur, rendant de facto le BIM incontournable. La conception dans le bâtiment est appelée à devenir une collaboration entre l’homme et l’IA. »
Christophe Onraet,
Responsable des développements BIM chez Fauconnet Ingénierie (FISA)
« L’intérêt du BIM n’est plus à démontrer pour le secteur du bâtiment. Bien au-delà de la modélisation 3D, cette méthodologie de travail permet de collecter, d’échanger et traiter des informations. Ce point est l’élément essentiel du BIM permettant de vrais gains d’efficacité.
Le BIM partage là une thématique et une problématique communes avec l’intelligence artificielle : le traitement et l’interprétation des données. Aujourd’hui, les plateformes BIM ont une approche informatique mettant en œuvre un nombre limité de catégories pour organiser les éléments d’un projet. L’IA, avec ses capacités de machine learning, permet de dépasser ceci par une reconnaissance et une classification plus fines. Il est indispensable d’identifier exactement la typologie et le rôle des éléments d’un projet pour automatiser les calculs de dimensionnement, le contrôle du respect à des normes...
Nous croyons beaucoup au traitement des données, définis dans les projets, via le machine learning, qui fera évoluer le BIM vers l’IA. Les solutions FISA mettent déjà en œuvre cette technologie pour permettre à nos clients de produire automatiquement des quantitatifs et des notes de calculs aérauliques et hydrauliques. »
Tom Kieffer,
Associé-gérant chez General Technic Luxembourg
« Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de la pompe à chaleur d’une part, et des panneaux photovoltaïques d’autre part. L’un comme l’autre, en tant que système basé sur les énergies renouvelables, contribue à la décarbonation de notre société, ce qui est une très bonne chose.
Mais, même si la pompe à chaleur et les panneaux photovoltaïques pris isolément sont des innovations qui vont dans le sens de plus de durabilité, l’idéal est de les combiner. Ce que, chez General Technic, nous appelons « power to heat », c’est le fait de donner la possibilité aux deux systèmes de communiquer ensemble. Cette communication est ce qui fait toute la différence en matière d’optimisation des systèmes dans la maison d’aujourd’hui !
Mettre la pompe à chaleur, qui est un consommateur d’électricité, en lien avec les panneaux photovoltaïques, qui sont des producteurs, permet à la pompe à chaleur d’entrer en action lorsque les panneaux produisent de l’énergie dont on n’a pas besoin dans l’immédiat et de faire monter de l’eau à un niveau de température supérieur dans le ballon tampon et/ou boiler. Et, à l’inverse, si le lendemain il n’y a pas de soleil, la pompe à chaleur ne devra pas démarrer car elle se servira de l’énergie stockée la veille. Le ballon tampon n’est rien d’autre qu’une batterie !
Si on parle d’innovation dans le domaine des pompes à chaleur, il faut, bien entendu, parler du fluide frigorifique qui sera la norme du futur. Il s’agit du propane R290, qui a un GWP de 3, c’est-à-dire un potentiel de réchauffement climatique par kg de gaz, de 3, alors que, pour un gaz traditionnel, il peut être supérieur à 2 000. »
Sophie André,
Responsable ventilation chez GECO
« Compacité et rendement des machines sont les critères de sélection de nos clients aujourd’hui.
La notion de service a également pris une grande ampleur. Le diagnostic à distance via une application qui permet de suivre l’état des installations en temps réel fait partie de ces services. Cette solution permet d’évaluer et de signaler un problème dès qu’il a été détecté, tout en respectant le RGPD ce qui, d’un côté, rassure l’utilisateur qui est informé de l’anomalie et, de l’autre, fait gagner du temps à l’installateur qui peut anticiper son intervention et se déplacer avec les bonnes pièces.
La pédagogie vis-à-vis des utilisateurs pour les amener à comprendre l’importance de la qualité de l’air est également de plus en plus importante. Nous formons les frigoristes et les installateurs sur l’installation, l’entretien et la maintenance de nos appareils, bien sûr, mais aussi sur la manière d’expliquer le fonctionnement des machines aux utilisateurs afin qu’ils soient réactifs en termes d’entretien et de maintenance pour préserver la qualité de l’air.
La qualité de l’air sera d’ailleurs mise en avant en 2024 avec l’introduction, courant d’année, d’une nouvelle sonde qui permettra d’avoir des indicateurs concernant le niveau de CO2, de composés organiques volatils et d’humidité.
Nous travaillons aussi sur la réduction du bilan carbone de nos produits. »
Cet article est extrait du ➡️ Dossier « TECHNIQUE ET INNOVATION » du magazine Neomag #61