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Le potentiel circulaire des menuiseries en aluminium

Le potentiel circulaire des menuiseries en aluminium

Interview de Stéphane Hardy, Project Manager Luxembourg chez Hydro Building Systems

Conscient de l’enjeu stratégique et environnemental majeur que représente le recyclage de l’aluminium, le groupe Hydro a entamé une réflexion il y a plusieurs années et a pris toute une série d’actions concrètes pour tendre vers la circularité.

L’aluminium a-t-il un potentiel circulaire ?

La réponse est clairement oui. L’aluminium est recyclable à l’infini, sans aucune perte de qualité.

Quel est l’avantage du recyclage ?

Produire 1 kg d’aluminium recyclé demande 20 fois moins d’énergie que produire 1 kg d’aluminium issu de la filière traditionnelle, ce qui se traduit par une réduction des émissions de CO2. C’est pourquoi, nous repoussons les frontières du recyclage avec l’aluminium Hydro CIRCAL, standard dans toutes les marques du groupe (Sapa et WICONA au Luxembourg) et qui contient de minimum 80 à 100 % d’aluminium post-consommé.
Pour vous donner un ordre de grandeur : sur un projet récent à Belval, il a été calculé que l’installation de menuiseries WICONA a permis de gagner plus de 2 % sur le bilan carbone total du projet.

Pourquoi le recyclage de l’aluminium est-il crucial pour nous, Européens ?

Donner une valeur au déchet est en soi très important, mais ça l’est plus encore si l’on considère que l’extraction de la bauxite, matière première qui compose l’aluminium n’est pas sans conséquence sur l’environnement. De plus, nous n’en avons pas en Europe. Donc, pour préserver notre indépendance, nous devons puiser dans d’autres types de mines, qui plus est non toxiques. Ces mines, ce sont nos chantiers de déconstruction.

Que faire pour augmenter le potentiel de circularité d’une menuiserie en aluminium ?

La base est de donner une valeur à l’aluminium dès la conception d’un nouveau bâtiment. Pour cela, il faut travailler sur le produit lui-même pour qu’il soit plus facilement réexploitable lorsqu’il arrivera à la fin de sa première utilisation, ainsi que sur sa mise en œuvre pour qu’il soit facilement démontable.
Nous sommes en train de développer une nouvelle génération de produits qui contiendront 75 % de matériaux recyclés et seront recyclables à 95 %, tout en conservant les excellentes performances que nous avons réussi à obtenir ces dernières années. Cette réflexion englobe aussi les accessoires, l’objectif étant d’en rationaliser le nombre en utilisant des composants plus flexibles et de les rendre plus faciles à désassembler.
La même analyse s’applique à la pose du produit. Nous nous intéressons notamment à des systèmes de précadres qui ont déjà fait leur preuve et qui permettent un démantèlement plus aisé, rendant ainsi la menuiserie plus modulaire et facilitant la préfabrication par un processus de construction hors site. Mais leur intégration dans les bâtiments au Luxembourg suppose une prise en main dès la conception du projet.

Quelles sont les confusions à éviter quand on parle d’aluminium recyclé ?

Il existe deux types de ferraille aluminium : l’aluminium pré-consumé qui se compose de chutes d’extrusion et n’a jamais été un produit, et l’aluminium post-consumé, qui a déjà eu une vie sous forme de châssis, par exemple. Cette transparence sur le type de déchet aluminium a une importance fondamentale, notamment lors de l’analyse des EPD (déclarations environnementales de produits). En effet, pour les établir, il existe deux méthodologies de calcul. L’une accorde une valeur zéro en termes d’impact carbone à l’aluminium pré-consumé, ce qui n’est pas correct car l’utilisation de pré-consumé encourage la production de chutes, ce qui est toujours une production et ne doit pas être valorisé. Le groupe Hydro a donc choisi de mettre le focus sur l’aluminium post-consumé et a ainsi adopté la deuxième méthodologie qui donne un poids carbone au pré-consommé.

Comment s’y retrouver ?

En s’informant, en préparant bien le projet en amont, en prenant le temps d’avoir des échanges intenses lors de la conception, en exigeant une parfaite transparence et en étant méfiant par rapport au greenwashing. Deux certifications peuvent notamment y aider : Aluminium Stewardship Initiative (ASI) qui est l’équivalent de la certification FSC pour le bois - quasi tous les centres Hydro sont labelisés – et Cradle to Cradle. Les menuiseries extérieures WICONA sont Cradle to Cradle depuis 2018. Nous avons commencé par le bronze, sommes aujourd’hui silver sur une grande partie de la production et nous poursuivons les développements de manière à obtenir toujours un meilleur score.

Un exemple de projet-pilote que vous souhaiteriez partager ?

Nous sommes fiers d’avoir trouvé une belle synergie avec le développeur BPI Real Estate Luxembourg sur le projet Mimosa à Strassen. Dans sa stratégie de réduction d’impact environnemental, BPI a pleinement joué le jeu de la circularité en nous permettant de récupérer les anciennes menuiseries sur le chantier. Après un démantèlement de ces menuiseries à Hydro Dormagen, l’aluminium sera refondu à Hydro Clervaux afin d’être recyclé en nouvelles billettes d’aluminium qui constitueront la matière première des nouveaux châssis.
Il s’agit d’un projet extrêmement important car c’est le premier au BELUX qui fermera ainsi la boucle de l’aluminium, un projet pilote de circularité totale.

Avez-vous envisagé le réemploi ?

Effectivement, le reuse doit avoir la priorité sur le recyclage, car réutiliser directement la matière permet d’épargner de l’énergie.
Mais, pour l’instant, le réemploi des menuiseries extérieures reste problématique. Nous avons fait un bond en avant en termes de performances thermiques ces dernières années et réutiliser un produit qui a 30 ou 40 ans reviendrait à déforcer thermiquement l’enveloppe du bâtiment, engendrant de la condensation et une perte d’énergie. Par exemple, dans le cas du projet Mimosa, nous nous étions posé la question de réutiliser d’anciennes menuiseries, mais n’étant pas dotées de coupures thermiques suffisantes, nous risquions de créer un point faible dans le bâtiment. La qualité n’aurait pas été au niveau escompté.
La question du reuse se pose cependant pour les menuiseries qui sont posées actuellement étant donné que nous atteignons aujourd’hui d’excellentes performances. Il est fondamental de donner de la valeur à ce qui est posé, à ce qui pourrait devenir plus tard une « renaissance ». Et donner de la valeur passe par le fait d’attribuer un maximum d’informations. C’est pourquoi nos nouvelles générations de menuiseries seront équipées d’un QR code reprenant une information technique ultra-détaillée. De cette manière, elles seront réutilisées lorsqu’elles pourront l’être.

Mélanie Trélat

Extrait de Néomag#63