Un bâtiment caché derrière une forêt
Premier immeuble de bureaux au Luxembourg à s’inscrire dans la certification BiodiverCity, The Nest sera un refuge pour la faune et la flore locales grâce tant à la structure de sa façade qu’à sa toiture-terrasse et à la végétalisation de ses abords.
Fruit d’une collaboration très fine entre l’agence d’architecture Maison Édouard François et le paysagiste Compagnie du Paysage intégrant les préconisations d’un écologue, le projet, piloté par Eaglestone Luxembourg, vise un équilibre favorable à tous ses futurs occupants, les humains comme les animaux et le végétal.
La Maison Édouard François, agence d’architecture parisienne, s’intéresse depuis longtemps aux notions de végétal et de lien entre architecture et paysage. Elle a plusieurs bâtiments emblématiques à son actif dans cette veine : par exemple, un bâtiment enfoui dans la végétation à Montpellier qui met l’accent sur la biodiversité, mais aussi sur la biophilie – le bien-être procuré par le fait d’être entouré de plantes -, ou encore, plus récemment, une des plus grandes façades végétalisées d’Europe sur un bâtiment de plus de 300 logements à Nice. L’agence a également travaillé avec des écoles et des centres de recherche pour développer des solutions low-tech et « revenir aux prémices de la végétalisation, à savoir de la pleine terre de qualité et de l’arrosage, pour rendre les choses les plus simples et pérennes possibles », explique Félix Cordonnier, architecte.
Dans le quartier particulièrement minéral qu’est la Cloche d’Or à Luxembourg, l’agence a voulu réintroduire un îlot végétalisé avec un bâtiment baptisé The Nest, qui apparaît presque en second plan derrière un écran végétal. « Nous avons travaillé sur une ceinture végétale extérieure complètement vierge, quasi impénétrable, et un cœur d’îlot, également végétalisé, qui forme un tampon thermique bioclimatique mais reste un espace praticable, ouvert aux usagers. Des balcons offrent une vue sur la zone sanctuarisée et permettent de contempler cette nature sans y pénétrer », poursuit-il. « Le projet est une introversion. Le bâtiment a cette position à la fois modeste et généreuse d’amener du végétal plutôt que de donner une leçon d’architecture. C’est pourquoi nous avons créé une peau un peu épaisse avec une forêt, ainsi qu’un atrium, également végétalisé », ajoute Édouard François, le fondateur de la maison éponyme.
Une des ambitions du projet est de favoriser la biodiversité. Elle a été introduite par cette forêt et cet atrium, avec une réflexion sur le travail nourricier du végétal inspirée par la Ligue de Protection des Oiseaux qui occupe des bureaux voisins dans le XVe arrondissement, mais aussi à travers l’utilisation de gabions pour la façade. « En matière de biodiversité, le matériau roi est poreux et l’ennemi absolu est une surface lisse comme le mur-rideau vitré, typiquement. Le gabion, ici en partie ombragé par la forêt, offre, avec sa perméabilité, un réservoir idéal pour permettre à un écosystème de se développer », souligne-t-il.
Si un bâtiment aussi vert enthousiasme de prime abord les futurs occupants potentiels, il soulève aussi des questions sur l’entretien ou l’image que peut donner cet aspect « primitif ». Julie Sacré, Real Estate Developer chez Eaglestone Luxembourg, insiste sur la nécessité d’accompagner ce projet d’une démarche de sensibilisation : « Il y a un important travail de pédagogie à faire pour montrer ce que cela peut nous apporter de positif, de laisser la nature reprendre ses droits, plutôt que d’avoir des craintes. C’est notamment pour cela que nous avons inscrit le projet dans la démarche de certification BiodiverCity, une première au Luxembourg. Le label permet à la fois de guider les équipes projet, afin de nous assurer que l’enjeu biodiversité a toute sa place dans la conception du futur immeuble, mais également de communiquer de manière plus didactique aux prospects ».
The Nest sera construit en bois - « une évidence » selon Édouard François – et, pour ce qui est des autres matériaux qui seront mis en œuvre dans le bâtiment, l’accent sera mis sur le recyclage, le réemploi, voire l’upcycling, sujets sur lesquels l’agence d’architecture et le promoteur se sont immédiatement compris. « Nous avions deux matériaux de prédilection en tête. Le premier, que nous n’avons pas pu mettre en œuvre, est la terre. Elle est présente sur tous les chantiers, gratuitement et sans transport, mais ce n’est pas encore le moment de l’utiliser au Luxembourg. Le second, qui est aussi présent partout et qui est une solution d’avenir pour quitter la société de l’énergie, est le déchet. Les gabions utilisés pour la façade sont des gravats de moellons de pierre, de béton concassé, de brique, et nous allons scier le parking actuel en bandes de bitume que nous superposeront en couches noires très graphiques dans lesquelles nous interposeront des strates plus colorées. L’ensemble peut donner une matérialité très intéressante au projet », indique-t-il.
Mélanie Trélat