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Une approche systémique pour des quartiers circulaires et durables

Une approche systémique pour des quartiers circulaires et durables

Symbiosis, c’est un projet ambitieux pour Metzeschmelz, futur quartier exemplaire. Dans l’équipe autour d’Agora, Schroeder & Associés soutient les solutions ingénieuses pour une gestion durable de toutes les ressources.

Rencontre avec Philippe Genot, cadre-dirigeant chez Schroeder & Associés et Jean-Philippe Lemaire, fondateur de IDES Engineering.

Peut-on encore imaginer aujourd’hui un développement urbanistique qui ne soit pas pensé pour la durabilité ? Il semble évident que non. Car les solutions existent, elles sont techniques, innovantes ou/et basées sur la nature voire des méthodes parfois oubliées, elles sont calculées, planifiées, elles sont circulaires et économes en ressources, elles sont adaptées aux besoins des utilisateurs…

Tout cela existe donc, tant pour les projets de construction que pour les projets d’aménagement de quartiers ou de villes nouvelles. Encore faut-il qu’elles soient pensées, entre toutes les disciplines ou/et les partenaires d’un projet, pour être intégrées, combinées, efficaces entre elles, en phase avec les réalités du lieu et des gens, et en adéquation avec l’évolution possible ou probable des besoins. C’est là qu’il faut une vision globale, une approche transversale… et une méthodologie.

« L’intégration de solutions durables dans un projet n’est pas une action isolée ni même une fin en soi », explique Philippe Genot, cadre-dirigeant chez Schroeder & Associés. « Souvent la démarche s’inscrit dans une vision stratégique plus globale et un cadre politique – au sens premier aussi : ce qui concerne la vie de la cité. » Dans tous les cas, il est indispensable de considérer les thématiques de durabilité sur plusieurs échelles voire à tous les niveaux. « Il faut une approche systémique de la durabilité. Les projets que nous réalisons font souvent partie intégrante d’objectifs régionaux ou/et nationaux plus grands : les projets durables ont ainsi un effet sur un cadre global, comme ce cadre global aura des effets sur le projet. »

Les équipes de Schroeder & Associés, présentes depuis plus de 60 ans sur le territoire luxembourgeois qui s’est aménagé et développé en parallèle, ont inscrit dans la stratégie d’entreprise Schroeder 2030 la durabilité en lettres capitales. « Schroeder se spécialise dans ce sens pour proposer des solutions intégrées et globales. Et c’est tout le challenge dans le cadre de projets d’envergure. Cela concerne des questions autour de l’énergie, de l’eau, des matériaux, de la biodiversité ou encore de la mobilité. Et il ne faut surtout pas oublier le volet sociétal et humain, pilier essentiel de la durabilité. »

Une des idées majeures est de trouver les solutions « win-win » avec une approche intégrée et surtout systémique, qui englobe toutes les thématiques. C’est l’objectif qui sous-tend le travail de conception et de planification pour le site Metzeschmelz, qui veut créer un exemplaire « quartier du futur », durable et innovant, au départ des friches d’Esch-Schifflange.

La Team Symbiosis y veille. Après avoir dessiné les premiers contours du futur quartier avec la Ville d’Esch-sur-Alzette et la commune de Schifflange, l’équipe d’AGORA a entrepris une phase d’étude technique en partenariat avec des bureaux spécialisés : IDES Engineering, EXCEPT, WEO, AFRY, ImpactLab et Schroeder & Associés, qui y apporte ses visions d’ingénierie durable.

Philippe Genot (à gauche) et Team Symbiosis
Philippe Genot (à gauche) et Team Symbiosis

« Ensemble, nous pouvons imaginer de nouvelles façons de concevoir l’espace, de l’habiter, de s’y déplacer, pour impulser de nouveaux modes de vie. » L’idée derrière Symbiosis est de tout mettre en réseaux intelligents, en particulier les ressources, pour une circularité optimale. Symbiosis suppose de considérer les ressources dans leur globalité et les imagine au cœur d’un réseau d’interrelations. On y réfléchit aux endroits de croisements possibles entre les thématiques – l’eau, l’énergie, la biodiversité, les fonctions et usages - et les différentes ressources, et surtout aux solutions ingénieuses qui permettent ces interactions.

Une approche structurée

Philippe Genot poursuit : « Pour la méthodologie, nous avons déployé une approche structurée. Elle permet de trouver le meilleur chemin vers des solutions concrètes et durables, en 5 étapes clés : la phase de collecte de données (« Ingrédients »), la définition de la vision et de la stratégie à adopter, la définition des solutions techniques innovantes, l’évaluation objective des solutions retenues, et enfin la création d’une feuille de route avec définition des actions concrètes ». « Cette méthodologie structure les questionnements et thématiques, souvent complexes, autour de la durabilité. Il s’agit d’une approche simple et adaptée à tout type de projet (structure, infrastructures, …) et qui peut être appliquée à chaque stade du projet (concept, avant-projet simple ou détaillé, …). L’approche est itérative et pourra donc être réalisée plusieurs fois pour faire maturer le concept de durabilité. »

Avec Metzeschmelz, le terrain d’expérimentation et d’innovation est propice. Sur le volet eau et le volet énergie par exemple, ensemble si possible. Quand vous récupérez de l’eau chaude, il est important de se poser la question de ce que l’on peut réutiliser, comme eau mais aussi comme chaleur.

Servir d’exemple

Philippe Genot continue : « Dans le cadre des effets du changement climatique, il faut que le site soit résilient par rapport à des étés très secs ou des situations de pluie torrentielle. Il sera impératif de récupérer au maximum l’eau de pluie pour la faire tourner aussi longtemps que possible dans différents cycles sur le site. L’eau potable devrait servir seulement à la consommation humaine ou animale. Par ailleurs, un cycle de l’eau grise permettrait à l’eau de la douche de ne pas finir dans une canalisation évacuée hors du cycle mais plutôt d’être envoyée à une station de traitement des eaux avant de revenir dans les habitations pour d’autres usages. Cette solution implique la construction d’un réseau plus complexe, mais elle vaut le coup car elle réduit drastiquement la quantité d’eau utilisée ».

Même type de raisonnement sur le volet énergie. Symbiosis vise d’abord à valoriser au maximum les éléments naturels : photovoltaïque, aérothermie, géothermie… et mieux encore ces techniques en complémentarité pour qu’il n’y ait aucun gaspillage de ressources. On évoque un « équilibrage systémique » des énergies, reposant sur une fine distribution des ressources en fonction de l’offre et de la demande en temps réel, couplée à des techniques de stockage pour une utilisation ultérieure. On réfléchit aussi à un système ouvert qui pourra intégrer d’autres techniques dans le futur, par exemple l’hydrogène vert. « Les techniques sont connues. L’innovation, c’est de les combiner en respectant un grand principe de mise en réseau smart pour opérer une gestion équilibrée des flux », conclut Jean-Philippe Lemaire de IDES Engineering.

Il s’agit bien de combiner, de pousser les concepts, d’enrichir les réflexions en innovations, ambitieuses mais réalistes. Un des enjeux de la démarche est de servir d’exemple. Et donc de permettre aussi que, à terme, ce qui n’est pas encore prévu dans les réglementations aujourd’hui puisse s’adapter en fonction des nouveaux paradigmes. « Un espace d’expérimentation et de dialogue va se mettre naturellement en place entre les développeurs, l’État, les communes, … », souligne Philippe Genot. « Avec Metzeschmelz, nous avons une occasion de tout construire en partant d’une feuille presque blanche. C’est rare et précieux. C’est une opportunité à saisir. »

Extrait de Neomag #65

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Publié le jeudi 3 octobre 2024
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