Nos experts mettent en lumière les opportunités offertes par l’intégration des nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle et le BIM, dans la construction et l’ingénierie.
Nicolas Claude,
administrateur chez Goblet Lavandier & Associés Ingénieurs-Conseils
« Il y a quelques mois, nous avons pris la décision de développer l’utilisation de l’intelligence artificielle au sein de notre bureau. Lorsque nous avons sondé quelques-uns de nos collaborateurs sur le sujet, nous avons observé certaines craintes, notamment celle que l’intelligence artificielle ne remplace l’humain. Ce ne sera évidemment pas le cas. L’objectif est clairement d’apporter une assistance à nos collaborateurs dans la réalisation de tâches répétitives et rébarbatives, afin qu’ils puissent se concentrer sur des tâches à haute valeur ajoutée pour l’entreprise. À titre d’exemple, l’IA peut être utilisée pour automatiser en partie le traitement des factures et des mails.
Nous avons déjà mis à disposition quelques licences Chat GPT à certains de nos collaborateurs, en phase de test pour certaines applications. Par exemple, dans le cadre des procédures commodo-incommodo, nous avons fait apprendre à Chat GPT toutes les prescriptions de l’ITM, de sorte à ce qu’il puisse, en l’espace de quelques secondes, extraire la prescription ou l’article qui répond à notre question.
En parallèle, nous effectuons un travail de sensibilisation auprès de nos collaborateurs d’une part quant au type d’informations qu’on peut donner ou non à l’IA, vis-à-vis du RGPD, d’autre part quant au fait de garder leur esprit critique par rapport aux données reçues de l’IA parce qu’au final, ce sont eux qui gardent la responsabilité des informations que nous fournissons à nos partenaires et à nos clients.
C’est un projet interne stratégique qui en est à ses débuts et que nous prévoyons de déployer sur les 36 prochains mois. De nombreux axes de développement sont à l’étude. Nous montons actuellement une demande de subvention avec le support de Luxinnovation dans ce cadre. L’IA devrait nous permettre de gagner grandement en productivité, en efficacité et en qualité de travail fourni à nos clients ce qui, finalement, est la chose la plus importante pour un bureau comme le nôtre ».
Mickael Pascual,
ingénieur technique - chef de projet d’innovation chez Neobuild
« Les nouvelles technologies - à savoir, par exemple, le BIM, l’IA, l’IoT, l’impression 3D, les robots et les drones - sont disponibles.
Nous imaginons souvent, à tort, qu’elles sont uniquement destinées aux grandes entreprises. Nous imaginons aussi, à tort toujours, qu’elles sont très chères et longues à mettre en place.
Or, la technologie en soi n’est pas le problème. Le problème se situe davantage dans la culture d’entreprise, dans les habitudes et les processus organisationnels que nous devons accepter de changer, de remettre à plat et de remettre en cause dans l’intérêt tant de l’entreprise que des salariés.
Une fois ces questions d’ordre humain réglées, nous pouvons nous lancer dans l’implémentation des technologies. Nous savons que, pour les faire fonctionner, nous avons besoin de données et qu’il faut donc produire ces données. Nous allons donc, spontanément, avoir tendance à intégrer rapidement de multiples technologies, mais c’est faire fausse route : en procédant de la sorte, la technologie sera un frein au développement.
Il est primordial de ne pas vouloir intégrer la technologie à tout prix, mais plutôt de partir du besoin, du quotidien des personnes pour savoir ce que nous souhaitons améliorer et pourquoi. Partant de ce constat, la technologie peut être une solution et un levier de performance.
Chez Neobuild, nous connaissons ces solutions et nous adoptons le principe de sobriété technologique qui consiste à implémenter les nouvelles technologies seulement là où elles ont vraiment du sens ».
Charlie Boon-Bellinaso,
chargé de mission au CRTI-B
« Nous préparons une nouvelle feuille de route BIM pour les années à venir. Notre première démarche dans ce cadre a été d’analyser les initiatives en cours dans d’autres pays européens. Il s’avère que la plupart des pays européens avancent de manière décisive et disposent d’un programme imposant des obligations à moyen terme, assorties d’exigences précises et progressives quant à l’adoption du BIM.
Avant l’instauration éventuelle d’une obligation, nous développons des cas d’usage BIM. Ceux-ci permettront, grâce à des fichiers de configuration et à un support en ligne (plateforme www.bimids.eu), d’automatiser l’implémentation dans les logiciels et d’aider les acteurs du secteur à créer et vérifier les livrables en openBIM. Parmi les cas d’usage concernés, on peut citer le cadastre vertical, le géoportail, l’analyse du cycle de vie, le design for deconstruction, l’inventaire des matériaux de démolition, les missions des bureaux de contrôle et les soumissions. Certaines de ces procédures deviendront obligatoires dans les années à venir, c’est pourquoi nous créons actuellement un écosystème de services permettant d’exploiter pleinement les maquettes BIM.
Nous sommes conscients que la transition vers le BIM est difficile pour de nombreuses entreprises, en particulier les plus petites. Nous envisageons donc la mise en place de procédures simplifiées et accessibles au plus grand nombre. Cela permettrait de générer des bénéfices à court terme et de servir de base pour développer facilement d’autres processus numériques, si nécessaire.
Notre objectif est d’intensifier la transition numérique de tous les acteurs du secteur, en collaboration avec les ministères concernés. Pour l’instant, nous adoptons encore une approche ascendante, mais le BIM deviendra incontournable, compte tenu des nouvelles exigences en matière d’analyse de projet et de livrables. Les évolutions observées à l’étranger démontrent qu’il est dans l’intérêt de tous les acteurs du secteur de se préparer le plus rapidement possible pour répondre à ces nouveaux besoins ».
Propos recueillis par Mélanie Trélat
Extrait du Neomag #66