Béton damé, mode d’emploi
Le béton damé est une technique de construction s’apparentant à celle du pisé de terre, la terre étant remplacée par un béton classique, mais de consistance sèche. Comme pour le pisé, la matière est déposée en lits ou strates horizontales généralement de hauteur constante, qui sont serrées, compactées ou damées manuellement avec des pillons.
Généralement, l’épaisseur de la couche à compacter est comprise entre 15 et 25 cm ; une fois la strate suffisamment sèche, la suivante est entamée et ainsi de suite. « La dernière couche appliquée est damée jusqu’à ce que le béton devienne plastique et présente une surface fermée sur laquelle se forme un film d’humidité ; avant d’appliquer la couche suivante, généralement après un jour de durcissement, la couche existante est rendue rugueuse, nettoyée et humidifiée afin d’assurer l’adhérence à la suivante ; s’il n’est pas possible de réaliser une couche sur toute sa longueur, il convient de former des décrochements obliques qui seront réalisés en sens inverse d’une couche à l’autre afin d’obtenir une denture » (réf. Baunetz Wissen). Le béton damé se rétracte peu et par conséquent, fissure peu.
Historiquement, c’est de cette façon que fut exécutée une grande partie des premiers ouvrages en béton avant que l’on décide que sa consistance soit plus fluide et qu’on lui préfère une application par coulage, notamment pour des questions de rentabilité - le damage nécessitant beaucoup de main-d’œuvre.
Il serait pour autant envisageable d’automatiser une grande partie du damage à l’aide de fouloirs semi-automatisés, comme Martin Rauch (Lehm Ton Erde) le pratique lorsqu’il préfabrique en atelier ses murs en pisé de terre. Il est possible d’utiliser des granulats traditionnels tout autant que des granulats issus du recyclage (démolition de structures existantes en béton), comme le montrent plusieurs projets actuellement menés en France.
Pour l’anecdote, à Weisenbach au nord de la Forêt Noire, subsiste toujours aujourd’hui l’un des premiers pont-aqueduc (1885) surplombant la rivière Murg, réalisé en béton damé (Stampfbeton), ce qui atteste de la durabilité de cette technologie.
Chapelle Frère Nicolas (Bruder Klaus Feldkapelle), Mechernich, Allemagne, 2007, par Peter Zumthor
On ne présente plus l’architecte suisse, lauréat du Pritzker 2009 dont les capacités à nous surprendre et nous émouvoir sont constantes, entre projets sensibles et intérêt pour l’usage de matières étonnantes et de « textures » sans cesse réinventées. Le béton damé utilisé pour la construction de la chapelle a été « déposé » par couches de 50 cm d’épaisseur sur un coffrage de 12 mètres de hauteur dont la partie intérieure en forme de tente ou de tipi fut réalisée à l’aide de troncs de pins équarris ; le béton utilisé se compose de matières premières régionales, dont des galets de rivière et un sable rougeâtre locaux ; le décoffrage est des plus originaux puisqu’à l’automne 2006, un feu continu alimenté durant trois semaines a brûlé jusqu’à réduire en cendres les pins formant le coffrage, afin qu’ils se « détachent » du béton formé, laissant apparaître une magnifique texture ainsi que les traces noirâtres de la carbonisation.
Depuis lors, l’intérêt pour le béton damé ne cesse de croître, pour des raisons esthétiques certes, mais pas uniquement ; plusieurs projets récents en France – dont celui d’école élémentaire à Châtenay-Malabry de l’architecte Samuel Delmas - font usage de granulats de démolition issus du site même du projet, ce qui ajoute à la circularité des constructions en valorisant un déchet, mais surtout en simplifiant son recyclage.
Immeuble de bureaux à usage mixte Kruul à Heverlee, Belgique, par DMOA Architecten
Un terrain triangulaire autrefois négligé a été transformé en un lieu inspirant où se croisent le travail, la vie et l’engagement communautaire. Kruul, l’immeuble de bureaux du cabinet d’architectes DMOA, est un exemple d’efficacité spatiale et énergétique, grâce à son concept architectural innovant et à sa recherche de durabilité. Il présente une architecture robuste et des solutions énergétiques durables.
Avec sa conception transparente et son esthétique distinctive, Kruul revitalise le quartier. Autrefois ruelle morne, elle s’épanouit aujourd’hui comme un passage animé, agrémenté d’un trottoir-jardin et d’une façade interactive. Au-delà de la vision architecturale, les architectes ont cherché à élever la communauté et à favoriser la cohésion sociale. Des bancs de pique-nique parsèment le parc proche, une peinture murale orne la façade de la maison voisine et un étudiant de la KUL (Université Catholique de Louvain) a transformé la façade de Kruul en une boîte à musique colossale : un xylophone interactif guide les visiteurs le long de la façade jusqu’au parc, améliorant non seulement l’attrait visuel du bâtiment, mais aussi son expérience auditive.
Le béton damé de la façade se compose d’un mélange spécifique de béton légèrement humide, appliqué progressivement en couches horizontales d’environ 10 cm (après compactage) dans le coffrage et damé manuellement à l’aide d’une masse. Après décoffrage, les couches horizontales sont subtilement visibles à la surface des murs, créant un aspect de stratification naturelle. Le matériau et son apparence donnent l’impression d’une structure reliée à la terre, d’une géologie construite.
La composition de base du béton damé comporte un ciment Portland blanc pur (CEM II/A-LL, 42,5 N), du gravier rond, un mélange de différents sables, de la dolomie, des pigments ainsi que de l’eau. En fonction de la résistance à la compression souhaitée, de la texture finale désirée et de la résistance de la surface, des ajustements sont apportés aux paramètres de la quantité de ciment, du volume d’eau de gâchage, du type de coffrage et de la vitesse de décoffrage, ce qui exige beaucoup d’expérience de la part de l’entrepreneur et une coordination étroite avec la direction de chantier. Les architectes de DMOA proposent aujourd’hui ce service de consultance auprès des maîtres d’ouvrage et professionnels du secteur, compte tenu de la grande expérience acquise dans ce domaine.
En réponse à plusieurs demandes spécifiques de constructeurs, DMOA a formulé un mélange pour béton damé identique à celui créé pour son projet de bureaux d’Heverlee ; ce « prémélange » (prémix composé de tous les granulats secs, sans le ciment) dénommé DMOA stampbeton est le fruit d’études préliminaires intensives, de nombreux essais, de la consultation avec divers experts de la construction (WTCB, Febelcem, service géologique, …) et de l’expérience de références déjà exécutées (Alken, Heverlee, Hoegaarden, ...). Tout renseignement complémentaire pouvant être obtenu auprès des architectes : https://www.dmoa.be/
Régis Bigot – Architecte & Innovation Project Manager Neobuild GIE
Immeuble de bureaux à usage mixte Kruul à Heverlee, Belgique, par DMOA Architecten : textes originaux, DMOA Architekten ; traduction et adaptation : Neobuild GIE