![Repenser la chaîne d'approvisionnement et l'organisation des chantiers](local/cache-gd2/0d/adf65796ee7b76713c31faba07cb87.png)
Les témoignages de nos experts convergent vers la nécessité d’un changement systémique, où collaboration, technologies et adaptation aux contraintes environnementales et législatives jouent un rôle central dans l’amélioration de la productivité et de la durabilité de la construction en intégrant innovation, logistique et économie circulaire.
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Benny Mantin,
Director of the Luxembourg Centre for Logistics and Supply Chain Management (LCL), University of Luxembourg
« La construction est un secteur majeur de l’économie (environ 9 % du PIB de l’UE) mais il est très fragmenté, car la conception et la construction sont souvent séparées, et il implique un grand nombre d’acteurs dans le processus avec des relations plutôt éphémères. En outre, sa productivité est à la traîne par rapport à d’autres secteurs, avec une croissance très limitée de la productivité du travail, en partie attribuée aux défis susmentionnés.
D’autres défis sont liés au fait que la chaîne d’approvisionnement de la construction peut être perçue comme convergente dans le sens où tous les flux aboutissent à un point unique – le site de construction – alors que le processus dans son ensemble fonctionne en « gestion par affaire » (ETO).
Pour aller de l’avant, il convient d’adopter la technologie et de passer à un processus davantage axé sur le produit, grâce à une conception modulaire avec des structures préfabriquées. Ces approches permettront de déplacer le point focal du site de construction au site de fabrication, de stabiliser les relations entre les parties prenantes et de les encourager à investir dans la technologie. Des projets récents réalisés dans le monde entier suggèrent que la modularité stimule l’innovation et fait apparaître de nouvelles conceptions auparavant trop coûteuses à mettre en œuvre.
Enfin, en attendant cette transition, nous pouvons améliorer la logistique autour des chantiers – qui peut représenter environ 10 % du coût des projets (!) – en facilitant la création de centres de consolidation de la construction (CCC). »
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Rocco Brondeau,
Directeur de CFL Logistics
« En tant qu’entreprise logistique, nous faisons face à divers défis, notamment en raison de la nouvelle loi entrée en vigueur le 1er janvier 2025, imposant un inventaire des matériaux pour la déconstruction.
Votée le 9 juin 2022, cette loi n’est pas récente pour tous les acteurs de la construction, mais ses conséquences futures sont considérables. La période de stockage des nouveaux matériaux de construction sera prolongée, ce qui pourrait freiner la création et la réalisation de futurs projets.
Ces variations impactent directement la rentabilité des entreprises et compliquent la planification des flux d’approvisionnement. Une gestion efficace des espaces d’entreposage adaptés aux dimensions et à la manutention des matériaux en question demeure cruciale pour garantir la qualité des matériaux tout en optimisant les coûts.
Pour relever ces défis, nous pouvons nous appuyer sur le concept de centre de consolidation de la construction (CCC), qui permet de réduire sensiblement les émissions de CO2. Ce système optimise les flux en utilisant des lieux de stockage transitoires d’où partent des kits de matériaux, préparés selon l’avancée des chantiers, limitant ainsi la pollution et les coûts liés au transport. Ce modèle a donc un objectif triple : maîtriser les délais d’exécution et réduire sensiblement les émissions de CO2 tout en optimisant les coûts. »
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Sophie Maurer,
Architecte à l’Administration des Bâtiments Publics
« Pour la transformation du lycée Michel Lucius, nous avons démonté et remonté sur place des composants existants parmi lesquels des éléments de façade, une balustrade, des plaques de faux-plafonds ou encore une partie de la structure en acier.
Le fait de réemployer nous-mêmes nos propres matériaux, d’avoir des chantiers de déconstruction et de construction se déroulant en parallèle et de disposer de l’espace nécessaire pour stocker les matériaux sur site a rendu les choses assez simples, car tout était sous notre contrôle. La problématique était néanmoins de mettre en place un entreposage et une manutention adéquats afin de ne pas endommager les matériaux. Ce type de projet est réplicable : il suffit de définir dès la planification et d’inclure dans les bordereaux de soumission les éléments à récupérer, leur usage futur, le lieu et la manière dont ils seront stockés. Il faut aussi être ouvert à l’idée d’intégrer la réutilisation dans un projet.
Ce qui est beaucoup plus complexe, c’est quand le matériel change de main, quand il faut trouver du matériel de réemploi pour un nouveau projet ou un repreneur pour du matériel de déconstruction. Il existe déjà des plateformes digitales permettant de voir quels matériaux sont disponibles, mais il manque encore une plateforme physique où stocker et récupérer les matériaux. Les idées sont là et nous travaillons sur ces sujets. »
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Philippe Genot,
Chief Innovation Officer chez Schroeder & Associés
« Face à une raréfication des ressources et aux efforts à fournir pour décarboner le secteur de la construction, le réemploi des matériaux s’impose comme une solution incontournable. La plateforme digitale, www.reUSE.lu, a été conçue pour faciliter la mise en relation entre ceux qui déconstruisent et ceux qui souhaitent réutiliser ces matériaux.
Le réemploi est un processus complexe qui va bien au-delà de la simple mise en contact. Il implique une organisation rigoureuse : démontage soigneux, transport optimisé, stockage éventuel et, enfin, une intégration réussie dans de nouveaux projets.
La question du stockage est aujourd’hui particulièrement délicate. Pour accélérer le développement
du réemploi, il est essentiel de mettre en place entre autres des infrastructures de stockage adaptées. La création de zones de stockage dédiées, qu’elles soient publiques ou privées, permettrait de sécuriser les matériaux et de faciliter leur valorisation. Cependant, pour assurer la viabilité économique de ces initiatives, il convient de privilégier les matériaux de haute valeur ou ceux dont les ressources se raréfient.
Le réemploi est une démarche prometteuse mais qui nécessite une approche globale. Au-delà de la mise en réseau, il est indispensable de réfléchir à une logistique optimisée et à une sélection rigoureuse des matériaux. En agissant ainsi, nous contribuons à la construction d’un avenir plus durable. »
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Camille Coppi,
Project Engineer chez Seco Luxembourg
« Les contrôles en usine ou sur chantier, assurés par le bureau de contrôle, sont essentiels dans les projets de construction traditionnels, en particulier pour les matériaux couverts par la garantie décennale. Leur rôle devient encore plus crucial dans les projets durables et circulaires. En effet, les nouveaux matériaux et les nouvelles pratiques, comme le réemploi ou l’utilisation de matériaux biosourcés, requièrent souvent un suivi logistique rigoureux pour garantir l’intégrité et les performances des matériaux livrés sur site. La qualité de chaque étape du processus - qu’il s’agisse de la dépose en vue du réemploi, du traitement, du stockage, du transport ou de la mise en œuvre - est primordiale.
Chez SECO, nous allons au-delà de la sécurité et de la conformité : nous attestons la qualité de votre processus logistique circulaire pour renforcer la confiance entre les acteurs, tout en garantissant le respect des normes en vigueur.
Sur un chantier récent, nous avons coordonné le réemploi d’une charpente en lamellé-collé, de son démontage à son transport vers un site frontalier, en veillant à la qualité des matériaux tout au long du processus. Résultat : réduction des déchets, économie de temps et de ressources pour le client... et un chantier maîtrisé.
En outre, l’utilisation d’outils numériques comme les plateformes de suivi et les capteurs intelligents permettront de surveiller en temps réel les conditions de stockage et de transport des matériaux sensibles. Avec ces solutions innovantes et notre expertise, nous contribuons à réduire l’empreinte environnementale de vos projets et à promouvoir des pratiques durables, en accord avec les exigences de demain. »
Propos recueillis par Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #68 - janvier 2025