Immobilier, climat et durabilité : les politiques et les défis
Dans le sillage de l’urgence climatique, l’Union européenne a fixé un objectif audacieux pour le secteur de l’immobilier : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Cette ambition reflète la double réalité du secteur : son impact significatif sur l’environnement d’une part, et d’autre part, la demande croissante pour des bâtiments éco-responsables. Pour les acteurs de l’immobilier, qu’ils soient investisseurs, promoteurs, entreprises, bureaux d’études, intermédiaires ou conseils, il est essentiel de comprendre non seulement l’impact direct de la réglementation environnementale en vigueur et à venir, mais aussi les implications parfois moins visibles des réglementations ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance).
Les normes techniques et certifications ambitieuses
Le secteur fait face à des normes techniques de plus en plus strictes, visant à réduire son empreinte carbone et les émissions de gaz à effet de serre. Parmi ces normes, les certifications telles que BREEAM et LEED jouent un rôle essentiel. Elles certifient la performance environnementale des bâtiments et sont aujourd’hui indispensables pour les développeurs pour répondre aux exigences des investisseurs et locataires.
Le règlement 305/2011/UE sur les produits de construction et la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments sont en cours de révision , témoignant de la volonté de l’UE de renforcer les critères de durabilité dans le secteur immobilier.
Ces révisions, motivées par l’ambition de réduire l’impact environnemental, exigent des entreprises qu’elles adoptent des pratiques écoresponsables plus rigoureuses basées notamment sur le recours à des matériaux de construction plus écologiques, la promotion d’un bâti durable, la mise en œuvre des principes de l’économie circulaire appliquée aux déchets de construction et de démolition.
L’impact direct et indirect de la réglementation ESG
Au-delà de ces normes techniques, il convient de prêter attention à la réglementation ESG, qui bien que ciblant principalement les grandes entreprises en raison de leur impact plus significatif sur l’environnement et la société, aura également des répercussions sur les PME et autres professionnels du secteur immobilier.
Parmi les principaux textes ESG initiés par l’UE on citera le règlement 2019/2088/UE sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers tel que modifié (aussi appelé en anglais Sustainable Finance Disclosure Regulation ou SFDR) d’application, sauf dérogations, depuis le 10 mars 2021 aux acteurs du marché financier dont notamment les fonds d’investissement immobilier.
On citera également la directive 2022/2464/UE sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (en anglais Corporate Sustainability Reporting Directive ou CSRD) non encore transposée en droit national luxembourgeois , qui impose aux PME et aux grandes entreprises, sous réserve de remplir certains critères de taille, l’obligation notamment de rendre compte selon les normes européennes de publications en matière de durabilité à compter de l’exercice commençant le 1er janvier 2024 ou après cette date selon le type d’entreprise .
Enfin, on citera la proposition de directive 2022/0051/COD sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (en anglais Corporate Sustainability Due Diligence Directive ou CS3D) en cours d’adoption par les institutions de l’Union européenne .
La CS3D est un exemple éloquent de l’impact induit que cette réglementation ESG pourrait avoir sur les PME et autres professionnels du secteur immobilier. Cette législation de l’UE sur la diligence raisonnable, cherche à garantir que les entreprises respectent les normes minimales en matière de droits humains et environnementaux tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement.
Bien que visant principalement les grandes entreprises , la directive CS3D pourrait avoir un effet en cascade sur les PME et autres professionnels, qui sont souvent des fournisseurs ou des partenaires de ces grandes entreprises. Les grandes entreprises peuvent en effet exiger de leurs fournisseurs et partenaires, qu’ils respectent certains standards de durabilité pour se conformer à leurs propres obligations en matière de diligence raisonnable telles qu’imposées par ladite directive.
La mise en conformité avec les exigences de diligence raisonnable prévues par la directive CS3D peut représenter une charge administrative et financière significative pour les PME et autres professionnels. Dans la pratique, les exigences en matière de transparence et de responsabilité peuvent requérir des investissements en termes de temps et de ressources pour maintenir des relations d’affaires avec leurs clients.
L’adoption de pratiques ESG par les PME et autres professionnels peut également être motivée par des facteurs tels que la pression des parties prenantes, les contraintes en termes de réputation, ou encore l’accès facilité au capital et au financement, car de plus en plus de financiers et d’investisseurs intègrent les critères ESG dans leurs décisions de financement respectivement d’investissement.
Face aux réglementations ESG, les acteurs du secteur de l’immobilier au Luxembourg sont donc appelés à se munir des informations utiles et à mettre en œuvre une adaptation proactive quelle que soit leur taille. Il est crucial de comprendre l’étendue des impacts, directs et indirects, de ces réglementations sur leurs opérations et de prendre des mesures stratégiques pour assurer leur conformité et leur compétitivité dans un marché en pleine évolution vers davantage de durabilité.
Article de Me Frédéric Seince, Avocat - Associate, et Me Mario Di Stefano, Managing Partner – Avocat à la Cour, DSM Avocats à la Cour