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Construire sainement avec des matériaux réemployés : entre promesses et défis
Dans le cadre de la transition écologique, le réemploi des matériaux de construction s’inscrit comme une solution clé de l’économie circulaire, mais pose des défis pour assurer la sécurité, la durabilité et la santé des occupants.
Des standards internationaux comme l’ISO 20887, qui promeut la conception de bâtiments démontables, ou les normes européennes EN 15804 et EN 15978, qui valorisent le cycle de vie des matériaux, encadrent déjà la circularité. Au Luxembourg, des initiatives locales soutiennent également ces approches. Pourtant, leur mise en œuvre se heurte à des freins importants.
L’un des principaux obstacles réside dans l’absence de traçabilité des matériaux réemployés. Sans documentation fiable, il est impossible de garantir leur composition chimique ou leurs caractéristiques techniques. Les matériaux réemployés peuvent affecter la qualité de l’air intérieur en libérant des polluants chimiques.
Par exemple, certaines traverses de chemin de fer réutilisées comme linteaux ont été traitées avec du créosote. En Allemagne, on estime que près de 5 millions de bâtiments contiennent des éléments en bois tels que des boiseries, charpentes ou poutres, contaminés par le pentachlorophénol, un biocide interdit depuis les années 1990. Réutiliser ces matériaux contaminés revient à remettre en circulation des polluants anciens. Et cela, sans même évoquer la problématique de l’amiante…
Pour que le réemploi devienne une pratique généralisée et fiable, des normes strictes et des certifications adaptées sont indispensables. Des tests rigoureux doivent permettre de détecter les polluants chimiques et biologiques, tandis qu’une traçabilité transparente garantirait la sécurité des matériaux.
Comme le soulignent Luc Meyer, ingénieur et directeur de Neobuild GIE, et Ralph Baden, biologiste, expert en qualité de l’air intérieur et construction saine, « Ces défis doivent être relevés avec des normes claires et une collaboration étroite entre tous les acteurs du secteur. Le réemploi peut transformer la construction, mais uniquement si nous garantissons sécurité, qualité et santé pour les occupants ».
Construire des bâtiments sains avec des matériaux réemployés est une ambition réalisable, mais elle repose sur de nombreux aspects. En plaçant la santé des occupants au centre des préoccupations, cette pratique pourrait redéfinir durablement et « sociétalement » le secteur de la construction.
H2E, une formation sur mesure
La formation H2E, développée par Neobuild GIE en partenariat avec un expert de la division de construction durable du ministère de l’Économie, assure depuis plusieurs années la qualification de biologistes de l’habitat au Luxembourg. Ces professionnels sont habilités à réaliser des mesures scientifiques précises et à fournir des recommandations lors de projets de construction ou de rénovation. Par ailleurs, la certification luxembourgeoise BREATHE, dédiée aux bâtiments sains, repose sur des valeurs d’orientation spécifiques au Luxembourg, établies conformément au principe de précaution.
Luc Meyer, directeur de Neobuild GIE
Ralph Baden, biologiste, expert en qualité de l’air intérieur et construction saine au ministère de l’Économie
Article paru dans Neomag#68 - janvier 2025