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Intégrer le paramètre eau dans la construction, une approche résiliente

Intégrer le paramètre eau dans la construction, une approche résiliente

Dans un contexte où l’intégration de solutions durables en matière de gestion de l’eau devient une nécessité dans les projets d’urbanisme et de construction, l’AGE nous éclaire sur les mesures réglementaires, les solutions techniques et l’accompagnement qu’elle propose aux acteurs de l’aménagement urbain.

Interview de Marc Hans, directeur de l’Administration de la gestion de l’eau (AGE).

Quels sont les principaux défis qui se posent à l’heure actuelle au Luxembourg en matière de gestion de l’eau liée aux bâtiments ?

Il y a d’abord les défis liés au changement climatique, notamment aux fortes pluies et aux inondations qui deviennent de plus en plus fréquentes. L’année dernière, par exemple, le pays a atteint des cotes d’alerte rouge à trois reprises, ce qui est un niveau extrême.

Dans ce contexte, nous mettons tout en œuvre pour renforcer la résilience du territoire, sachant qu’une protection à 100 % reste impossible. La directive européenne sur les inondations de 2007, transposée en droit luxembourgeois en 2008, encadre les constructions en zones inondables. Idéalement, il faudrait éviter de construire dans ces zones. Pourtant, la forte pression sur le logement nous oblige à accorder des autorisations, mais en adoptant des stratégies adaptées comme la construction sur pilotis ou l’aménagement des sous-sols en espaces peu sensibles aux dommages, par exemple des garages sans installations électriques.

Pour accompagner cette démarche, le gouvernement a publié des cartes de danger de fortes pluies et des cartes des zones inondables, qui délimitent les zones susceptibles d’être inondées selon différents scénarios, ainsi que des cartes des risques qui évaluent les impacts des crues sur les habitants, l’économie et l’agriculture, tout en définissant les mesures nécessaires pour limiter les conséquences.

Que peut-on faire pour limiter les dommages dans les zones inondables déjà construites ?

Il existe une large panoplie de solutions, par exemple l’installation de barrières anti-crues ou le retrait des obstacles susceptibles de bloquer les ponts et autres ouvrages. Chaque action doit cependant être minutieusement étudiée, car les interactions sont complexes : une mesure bénéfique à un endroit peut avoir des effets négatifs ailleurs. Par exemple, construire un mur pour protéger sa maison contre l’eau permet de la sécuriser, mais en réduisant l’espace de rétention, cela peut aussi aggraver les dégâts pour les habitations voisines.

Quel rôle l’AGE joue-t-elle dans la gestion de l’eau potable ?

D’un point de vue réglementaire, les interventions dans les zones de protection d’eau potable sont encadrées afin de préserver la qualité et la disponibilité de l’eau potable, car toute modification du sous-sol, notamment les terrassements, peut polluer l’eau ou réduire le débit des sources.

Nous effectuons, par ailleurs, un travail de sensibilisation auprès des ménages, qui sont les plus gros consommateurs d’eau potable au Luxembourg, pour les encourager à adopter des pratiques plus économes. Nous soutenons également l’installation de systèmes favorisant la réutilisation de l’eau par l’octroi de subsides.

Enfin, nous participons à des projets pilotes visant à développer la réutilisation des eaux grises. Ce sujet reste sensible en raison des enjeux sanitaires et des contraintes liées à l’entretien des infrastructures.

Quelles mesures préconisez-vous en matière de gestion des eaux pluviales ?

Lors de l’élaboration d’un nouveau PAG ou PAP, il est recommandé de mettre en place un système séparant les eaux usées des eaux pluviales.

Le scellement des surfaces est un point critique car il limite l’infiltration de l’eau de pluie dans le sol et la précipite vers les ruisseaux, ce qui peut entraîner une montée soudaine des niveaux d’eau. Pour éviter d’aggraver ce phénomène, il faut prévoir, dans les endroits où cela est possible, des dispositifs qui collectent l’eau pour lui permettre de pénétrer progressivement dans la terre comme des bassins de rétention, des toitures végétalisées, des fossés ouverts ou encore des forages, entre autres.

Accompagnez-vous les concepteurs des bâtiments et des quartiers dans une utilisation plus raisonnée de l’eau ?

Oui, nous organisons régulièrement des formations en collaboration avec le ministère de l’Environnement, ainsi qu’avec l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs (OAI), qui s’adressent notamment aux communes afin de renforcer leur sensibilisation et leur expertise.

Nous informons et conseillons également les bureaux d’études et les concepteurs sur les bonnes pratiques en matière de gestion des eaux pluviales. Et nous avons mis en place une équipe dédiée qui dispense des formations sur les stratégies d’adaptation aux inondations et les solutions constructives permettant de limiter les risques.

Quel message auriez-vous à transmettre aux bureaux d’études, cabinets d’architecture et entreprises de construction qui forment notre lectorat ?

Nous tenons à souligner que notre objectif n’est pas de compliquer leur travail, mais bien de préserver la santé publique et les ressources naturelles. Nous nous inscrivons dans une approche « One Health », qui considère qu’un environnement sain, une eau de qualité et une bonne résilience face aux inondations sont essentiels pour notre bien-être collectif. Nous sommes à leur écoute et restons à leur disposition pour toute question ou besoin d’accompagnement. Qu’ils n’hésitent pas à nous contacter !

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #69 - mars 2025