Loi du 7 janvier 2022, pénalisation du droit immobilier et droit à l’erreur
La loi du 7 janvier 2022 portant sur l’accessibilité à tous des lieux ouverts au public, des voies publiques et des bâtiments d’habitation collectifs (la « loi ») est entrée en vigueur le 1er juillet 2023, assortie de trois règlements grand-ducaux d’exécution du 8 février 2023.
Cette loi porte extension du champ d’application de l’ancienne loi du 29 mars 2001 : dorénavant, les exigences d’accessibilité s’appliquent outre au domaine public également à tout lieu à usage collectif, public et privé.
La loi s’applique à tous les lieux ouverts au public créés dans le cadre de nouvelles constructions, par voie de changement d’affectation, ou encore existants ou situés dans un cadre bâti existant, ainsi qu’aux nouvelles constructions et transformations importantes des voies publiques. Tel que communiqué par le ministre de la Famille et de l’Intégration, elle couvre entre autres : « hôpitaux, hôtels, restaurants, banques, écoles, lieux de culte, parkings publics, magasins, bibliothèques, cinémas, gares, arrêts de bus, parcs publics, aires de jeux, et aussi les bâtiments où des professions libérales prestent leurs services ».
La loi prévoit dans ce contexte :
- l’instauration de contrôles a priori et a posteriori du respect des exigences d’accessibilité,
- la mise en place d’un conseil consultatif de l’accessibilité,
- l’agrément de contrôleurs techniques en accessibilité ayant mission d’établir et délivrer des certificats de conformité des plans et des travaux, ainsi que de rédiger des avis et réaliser des tâches techniques d’étude et de contrôle afin de certifier le respect des exigences d’accessibilité,
- l’allocation de subventions étatiques pour la mise en conformité,
- l’introduction de sanctions pénales en cas de non-respect des exigences d’accessibilité.
Sauf dérogation, les lieux ouverts au public existants devront être rendus conformes aux exigences d’accessibilité au plus tard pour le 1er janvier 2032, les acteurs ayant été invités par le ministre compétent de se conformer le plus vite possible à ces obligations.
Passer en revue tous les tenants et aboutissants de la loi dépasserait le cadre du présent article.
Une attention particulière devra cependant être portée aux dispositions pénales nouvellement introduites par la loi, sanctions pénales qui n’existaient pas sous la loi de 2001.
De telles sanctions ne sont pas totalement inédites dans le secteur immobilier, alors que l’article 107 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, telle que modifiée, prévoit des peines d’emprisonnement de huit jours à deux mois et des amendes de 251 à 125 000 euros pour « tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des plans ou projets d’aménagement généraux ou particuliers, du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ou des autorisations de bâtir ».
La nouvelle loi prévoit ces mêmes peines pour les personnes physiques, tout en doublant les amendes pour les personnes morales.
Elle prévoit également que le juge peut ordonner en complément la mise en conformité des travaux ou la démolition du bien, aux frais du contrevenant.
La loi ratisse large et vise « Les maîtres de l’ouvrage, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ainsi que toute personne à laquelle incombe la charge des travaux d’accessibilité, qui ont entrepris des travaux en violation des exigences d’accessibilité ».
Aussi, le juge peut, à l’encontre des personnes physiques prononcer la fermeture d’entreprises et d’établissements, et encore la publication ou l’affichage, de tout ou partie de la condamnation, et à l’encontre des personnes morales, l’exclusion de la participation à des marchés publics et encore, ce qui peut paraître surprenant, la dissolution dans les conditions et suivant les modalités prévues à l’article 38 du Code pénal.
Les contrôleurs techniques en accessibilité qui auront délivré des certificats de conformité pour les plans ou travaux qui ne respectent pas les exigences d’accessibilité encourent les mêmes peines.
Concernant les lieux ouverts au public existants ou situés dans un cadre bâti existant, les propriétaires ou emphytéotes doivent garantir le respect des exigences d’accessibilité, en effectuant les travaux requis. La loi prévoit que ces obligations peuvent conventionnellement être mises à charge du locataire.
Finalement, il y a lieu de noter que la loi érige en discrimination sanctionnable par les peines prévues à l’article 455, alinéa 1er, du Code pénal le refus de réaliser, face à la demande d’une personne dont le handicap est tel que les exigences d’accessibilité prévues par la loi sont insuffisantes, un « aménagement raisonnable », sauf s’il résulterait en une « charge disproportionnée », ces deux termes étant plus amplement définis dans la loi. L’article 455 du Code pénal prévoit des peines d’emprisonnement de huit jours à deux ans et des amendes de 251 euros à 25 000 euros. Dans ce contexte, on peut se poser la question des conséquences possibles d’une décision du syndicat des copropriétaires de refuser des aménagements raisonnables demandés.
Dans ses commentaires relatifs au projet de la loi, la Chambre de Commerce « avoue s’interroger quant à la nécessité de tenir pour pénalement responsables de travaux effectués en violation des exigences d’accessibilité « les « architectes, entrepreneurs, et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage » ». Il est vrai que la loi, dont certaines modalités d’application peuvent être incertaines, fait planer sur l’intégralité des propriétaires, emphytéotes, entreprises, artisans, architectes, ingénieurs-conseils et autres professionnels, ainsi que des locataires ayant assumé cette responsabilité, un risque pénal. On pourra s’interroger sur la nécessité d’une telle extension de la pénalisation du secteur immobilier, et on ne peut qu’espérer que cela ne reviendra pas dans la pratique à nier aux justiciables le droit à toute erreur dans l’exercice de leurs activités civiles ou professionnelles.
Me Mario Di Stefano, Managing Partner – Avocat à la Cour, DSM Avocats à la Cour