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Des recommandations concrètes pour une feuille de route pragmatique
Fin 2024, le 2e séminaire organisé par le CNCD pour une construction bas carbone au Luxembourg a réuni des acteurs du secteur afin de définir des propositions concrètes pour l’avenir.
Ce séminaire a consisté en une séance de travail participative d’une durée de deux heures et demie, au cours de laquelle les participants ont été répartis en quatre ateliers thématiques portant respectivement sur les matériaux et les systèmes constructifs, sur la logistique de chantier, sur l’économie circulaire et la gestion des déchets, et sur les processus, les données et la digitalisation. Pour chacune de ces thématiques, des obstacles ont été pointés auxquels des solutions ont été proposées.
Les matériaux et les systèmes constructifs
La transformation systémique des méthodes de construction découlant de l’adoption de matériaux bas carbone constitue un réel défi pour le secteur.
Le groupe de travail a néanmoins souligné la nécessité d’intégrer les matériaux de construction biosourcés dans les projets de demain, de promouvoir des systèmes constructifs plus durables et d’améliorer les chaînes de valeur locales pour limiter l’empreinte carbone liée aux matériaux importés.
La logistique de chantier
Le transport et les processus logistiques sont des leviers majeurs pour permettre au secteur de la construction de réduire ses émissions de CO2 et son impact carbone.
Les échanges ont fait ressortir une multitude d’entraves à la mise en place d’une logistique optimisée, parmi lesquels le manque de place sur les chantiers, le coût des terrains qui est trop élevé pour qu’ils puissent être attribués à la création de zones de stockage temporaire, la difficulté d’accès aux parkings pendant les travaux, le raccordement tardif aux réseaux énergétiques forçant l’utilisation de générateurs diesel, les délais de construction serrés, les imprévus dans les temps de livraison des différents fournisseurs, l’enclavement de certains sites appelés « Baulücken », ainsi que l’inefficacité énergétique des bases de vie.
Qui dit contraintes, dit aussi opportunités. Ainsi, les participants ont évoqué la création de plateformes logistiques qui permettraient de centraliser les livraisons soutenues par des outils numériques, l’anticipation des demandes de raccordement aux réseaux à anticiper dès la phase de conception, la réduction des choix clients, l’identification claire de la provenance des matériaux sur les factures, la sensibilisation des équipes chantier aux enjeux climatiques et énergétiques, la mutualisation des ressources logistiques entre chantiers voisins, l’amélioration de la coordination entre acteurs, la mise en place d’incitations pour les entreprises à investir dans des véhicules propres et à réduire leur parc de véhicules polluants, la systématisation des livraisons hors heures de pointe pour éviter la congestion du trafic et réduire les coûts, ou encore l’instauration de suivis des émissions de CO2 et des performances logistique et la mise à disposition de ces données à tous les acteurs.
L’économie circulaire, la déconstruction et la gestion des déchets
Les obstacles à la mise en place de pratiques vertueuses en matière d’économie circulaire dans les projets de construction sont divers et variés. Les participants ont cité l’absence de cadre réglementaire précis et de filière du réemploi, le manque de fiabilité des données des produits de réemploi, le design de nombreux produits qui rend impossible la séparation de leurs différents composants, l’inexistence d’assurances ou de garanties sur les matériaux de réemploi, les contraintes structurelles, l’absence d’offre de matériaux de réutilisation, le timing entre la planification et la disponibilité de matériaux de réemploi, le manque d’espaces de stockage pour les éléments issus de la déconstruction de bâtiments, le fait que les cahiers des charges n’imposent pas de matériaux recyclés voire les excluent, l’absence de formation des ressources humaines à la déconstruction, le coût de la déconstruction et les mentalités.
Il conviendrait donc de délier projets de construction et de déconstruction, d’intégrer la fin de vie des bâtiments dès la planification, d’inventorier les stocks de matériaux recyclés et à recycler, de développer la préfabrication, de faire évoluer les réglementations sur les bâtisses, d’intégrer la circularité dans les marchés publics et d’inciter les communes à travers le pacte climat, de réduire les quantités de matériaux utilisés et les emballages, d’introduire une loi qui impose un inventaire complet des matériaux, mais aussi de déployer les product circularity data sheets (PCDS) qui permettront de mieux connaître le degré de recyclabilité des matériaux.
Les actions à entreprendre doivent porter sur le changement de mentalités à travers un travail de sensibilisation, mais aussi sur les infrastructures : création de plateformes physiques pour stocker les matériaux de réemploi, de plateformes digitales pour connecter l’offre et la demande et d’espaces logistiques mutualisés à proximité des chantiers, entre autres. La réglementation devra suivre avec la mise en place d’incitatifs financiers, d’obligations légales sur la réutilisation de matériaux dans les projets de construction ou encore sur la reprise des matériaux non utilisés par les fournisseurs, mais aussi avec la réduction du nombre d’autorisations de démolition accordées. Les changements à opérer concernent aussi la chaîne de valeur de la construction avec la définition de standards applicables par tous les acteurs de cette chaîne et définis en collaboration avec le législateur, le travail en Bauteam, la prolongation des durées de soumissions et d’activations des chantiers et la mise en place d’équipes de concertation sur les plans de développement nationaux.
Les processus, les données et la digitalisation
Plusieurs obstacles à la collecte et à l’utilisation efficace des données ont été identifiés, à commencer par la difficulté pour les entreprises de connaître quelles sont les données prioritaires, leurs caractéristiques et celles pour lesquelles elles ont de l’influence, la difficulté à obtenir des informations précises sur la comptabilité carbone des fournisseurs et sur les activités de sous-traitance, de la difficulté à évaluer l’impact des activités de conception, de recherche et de développement, de la difficulté à établir des comparaisons fiables entre différentes entreprises et de l’absence de mécanismes clairs pour valider les résultats obtenus. Le problème vient aussi de la structuration des entreprises dont l’organisation interne entrave parfois la collecte de données et du surcoût généré par la comptabilisation des données environnementales.
Parmi les pistes d’amélioration qui se sont dégagées des discussions figurent notamment l’intégration des bilans extra-financiers dans la comptabilité, la hiérarchisation des données, l’adoption de méthodes standardisées pour la collecte de données, la création de références pour les facteurs d’émission, l’homologation des bases de données, la standardisation des méthodes de calcul et d’évaluation et l’établissement de méthodes spécifiques au Luxembourg. Enfin, une approche bottom-up est recommandée afin de faire remonter les informations techniques depuis le terrain, ainsi que le travail en Bauteam.
Plusieurs actions ont été proposées comme le fait de développer un logiciel carbone qui regrouperait une base de données et un calculateur alimenté par les parties prenantes, l’élaboration d’un outil de calcul accessible à tous les acteurs de la chaîne de valeur et la mise en place d’un processus pour valider ou amender les coefficients types utilisés dans les calculs.
Article paru dans Neomag #68 - janvier 2025