La décarbonation comme mission
Détenue par deux groupes familiaux Luxembourgeois aux entreprises B Corp, All in One Technologies a la décarbonation inscrite dans ses gènes et contribue à son échelle aux objectifs de neutralité à travers des projets qui favorisent l’efficience énergétique et les énergies renouvelables.
Interview de Benoît Lespagnol, Directeur Général de All In One Technologies
La décarbonation est dans l’ADN d’AiO Technologies depuis sa création en 2008…
Notre actionnaire fondateur, Becolux, est engagé depuis plus de 20 ans dans de grands projets d’énergie solaire et éolienne, et a fondé parallèlement Ramborn, devenue en 2020 la 3e société certifiée B Corp siégeant au Luxembourg. En cofondant AiO Technologies, notamment pour le facility management de ses propriétés immobilières, Becolux a, dès le départ, inculqué cette forte exigence d’efficience énergétique et d’énergies renouvelables à sa nouvelle filiale. L’entreprise familiale de construction CDCL Group a quant à elle rejoint le capital d’AiO Technologies en 2019 avec la même vision. Son siège, Allegra à Leudelange, construit en 2021, est l’incarnation même de son engagement pour des bâtiments très bas carbone. Le groupe est lui aussi certifié B Corp depuis avril 2023. Fort de l’exemplarité de ses deux actionnaires, AiO Technologies ambitionne aussi de devenir une société B Corp à moyen terme.
Vous concentrez vos activités sur cet objectif de décarbonation. Comment cela se traduit-il dans les travaux neufs ?
Nous nous efforçons de nous engager sur des projets avec une forte composante en énergie renouvelable et une volonté d’efficience énergétique, par exemple sur le bâtiment Allegra, dont les 6 000 m2 bruts sont chauffés par deux pompes à chaleur de 146 kWh alimentées par des forages géothermiques de 90 m de profondeur. Nous avons aussi mis en place un système de management intelligent du bâtiment (en KNX) qui permet de réduire au maximum les consommations en détectant d’éventuelles anomalies. Déjà en 2017 pour le siège de Goblet Lavandier à Munsbach, nous avions implémenté avec succès ce concept de suivi et de gestion énergétique innovant (700 points de mesure !) couplé avec l’installation de deux pompes à chaleur de 56 kWh.
Ces deux dernières années, nous avons aussi réalisé, pour LuxEnergie, des centrales de chauffage urbain à Niederanven et à Niederkorn alimentées par des cogénérations biomasse. Nous venons également de terminer l’installation d’une autre centrale d’énergie au sein du campus scolaire d’Eschdorf qui, elle, tourne avec des pompes à chaleur.
Ces projets démontrent que les énergies renouvelables ne sont pas réservées aux maisons ou aux résidences, mais qu’une production d’énergie entièrement décarbonée est également possible dans des bâtiments tertiaires de plus grande envergure.
Il est plus difficile de décarboner les bâtiments existants, n’est-ce pas ?
Effectivement, néanmoins cela peut se faire progressivement en remplaçant les énergies fossiles, au moins en partie, par des énergies renouvelables. Il s’agit souvent de biomasse, mais parfois aussi d’électricité verte. C’est le cas, par exemple, au centre commercial Copal à Mertert, où nous avons installé une pompe à chaleur air-eau de 60 kWh en toiture alimentée par de l’énergie photovoltaïque. En complément du système de chauffage existant, elle permet d’apporter une composante « énergies renouvelables » dans un bâtiment gros consommateur d’énergie de par sa fonction.
Et dans les anciennes maisons, que peut-on faire ?
Il y a très peu de situations où l’on ne peut pas décarboner, du moins en partie. Même dans une maison unifamiliale avec des radiateurs, il est souvent possible, de remplacer la chaudière fioul ou gaz par une pompe à chaleur air-eau, éventuellement couplée avec des panneaux photovoltaïques. Tout est souvent une question de dimensionnement.
Si une température > 55 degrés Celsius est impérativement nécessaire, de nouvelles générations de pompes à chaleur existent déjà avec de meilleurs fluides caloriporteurs. On peut sinon aussi installer un système hybride composé d’un petit module pompe à chaleur qui suffira à couvrir une partie de la consommation énergétique annuelle, avec une chaudière à énergie fossile existante en appoint qui couvrira les pointes. Il faut aussi considérer le fait que les primes étatiques et communales, auxquelles s’ajoutent les enoprimes, sont très généreuses au Luxembourg. Il n’y a donc plus d’excuses pour s’éloigner des énergies fossiles.
Vous prônez aussi un monitoring énergétique actif et efficace, que vous réalisez notamment pour de nombreux centres commerciaux au Luxembourg…
Le monitoring permet d’économiser au moins 5 à 10 % d’énergie. Nous suivons des centaines de paramètres pour mesurer comment la consommation se répartit entre les différents équipements, au fil de l’année. Nous obtenons un rapport énergétique qui nous sert à optimiser la production et la distribution, et ainsi à réduire la consommation énergétique. C’est bon pour le portefeuille et pour la planète aussi : la meilleure énergie est celle qui n’est pas consommée.
Le monitoring permet d’utiliser les flux énergétiques de façon intelligente. Dans les centres commerciaux par exemple, beaucoup de chaleur est souvent générée par la production de froid pour la boucherie, la poissonnerie, etc. Le monitoring permet de déterminer quand et où la réinjecter. Un deuxième exemple : dans un bâtiment administratif, nous avons pu récupérer la chaleur d’un data center pour chauffer les autres étages.
Un autre avantage du monitoring est qu’il permet d’optimiser le paramétrage des installations d’un bâtiment dès les premiers mois de sa mise en service, pour réduire très rapidement ses consommations, ce que nous avons fait sur le bâtiment Allegra.
Grâce à toutes ces données, les bonnes décisions d’investissement peuvent être rapidement prises sur des bases très factuelles.
Comment procédez-vous ?
Nous récupérons les milliers de données transmises chaque année par les GTC et les compteurs d’énergie. Les algorithmes spécifiques que nous avons développés pour les traiter intègrent des valeurs seuils qui déclenchent automatiquement un ticket de maintenance lorsqu’elles sont dépassées. Un récent développement « data sciences » nous permet aussi maintenant de déterminer le degré d’alerte pour le prioriser et de mieux identifier les fausses alertes. À notre charge ensuite de lancer une opération de paramétrage pour identifier plus précisément le problème, de le corriger à distance ou de déclencher une intervention physique pour que le système soit de nouveau opérationnel le plus rapidement possible.
Nous ne nous sommes pas attardés sur B Corp. Pouvez-vous nous en dire plus sur les initiatives que vous avez mise en place en lien avec ce label ?
B Corp porte sur la contribution sociétale et environnementale de l’entreprise grâce à ses missions et / ou son mode de fonctionnement. Notre principale initiative sur ce dernier point est l’électrification de notre flotte de véhicules. Une vingtaine de véhicules sur les 80 que nous avons sont désormais rechargés avec de l’énergie verte. Mais notre plus gros impact réside moins dans la réduction du rejet carbone de nos activités que dans notre apport en termes de contribution sociale et environnementale, à travers les bâtiments sur lesquels nous sommes amenés à intervenir aussi bien dans le domaine des travaux neufs que de la maintenance. C’est pourquoi nous orientons nos projets sur les énergies renouvelables et la récupération de chaleur.
Nous apportons aussi notre contribution via la diffusion de nos propres expériences. Actif au sein du CleanTech Cluster de Luxinnovation, nous contribuons par exemple activement aux conférences initiées en commun sur la récupération de la chaleur fatale (waste heat) dans l’industrie (26 mars 2024) et dans les bâtiments (fin mai 2024).
Mélanie Trélat
Extrait du NEOMAG#62